01 Avr Enter Shikari, frénétiques maîtres de cérémonie au Bataclan
Un an et demi après la sortie du surprenant The Spark, Enter Shikari continuent de vivre de live et d’eau fraîche. Récit d’un concert homérique devant un Bataclan timidement rempli.
Nous ne sommes qu’amour pour Enter Shikari. Depuis bientôt 20 ans, le quatuor continue d’explorer avec malice de multiples territoires musicaux, ne cessant d’emprunter à de nombreux genres pour éviter toute étiquette et surprendre ses auditeurs. Alors même si nous n’avons pas été complètement convaincus par The Spark, nous ne pouvions qu’être heureux de les retrouver ce soir dans l’enceinte du Bataclan.
Affiche de qualité oblige, c’est As It Is qui ouvrait pour le mythe Shikari ce soir. Le quintet a délivré un set emo alternatif puissant et efficace, porté par un Patty Walters habillé comme en 2006, et leader né charismatique. Les paroles et autres sing-alongs sont repris avec force par des premiers rangs visiblement fins connaisseurs, et ces efforts séduisent le frontman, n’hésitant pas à dire que cette date est sa préférée de la tournée quand vient la fin du set. A la vue de ce beau et puissant moment de communion, nous ne pouvons que le croire.
21h, la tête d’affiche de la soirée monte sur scène. Rou, Rory, Rob et Chris s’équipent et se placent devant leurs équipements tandis que l’introduction The Spark résonne dans le Bataclan. En toute logique, c’est ce dernier album qui sera largement représenté ce soir, alors que le groupe démarre sur un The Sights fédérateur et bien accueilli par un public bouillant. « Bonsoir, formes de vie composées de carbone. Nous sommes Enter Shikari, nous sommes d’Europe, et nous utilisons la musique et la lumière pour manipuler vos émotions » lâche un Rou facétieux. La machine est lancée.
Après cette entrée en matière, le groupe revient avec force à leurs classiques, brassant 4 albums en autant de titres. Step Up tout d’abord, puissant titre échappé de Common Dreads ; Labyrinth ensuite, fier représentant d’un Take to the Skies systématiquement accueilli avec félicité et violence ; Arguing with Thermometers, charge écologique démentielle tirée de A Flash Flood of Colour qui nous laisse sur les rotules ; et finalement Rable Rouser, nouveau représentant de The Spark qu’on jurerait pourtant échappé de A Flash Flood of Colour, transformant la salle en un dance-floor apocalyptique.
Sur scène, chaque membre exécute sa partition à la perfection ; entre un Rory technique en diable à la guitare et un Chris bassiste n’hésitant pas à aller se frotter aux premiers rangs, on retrouve toujours à la batterie un Rob facétieux (« Bonsoir Paris, êtes-vous chauds pour faire la fête ce soir ? » clame-t-il entre deux morceaux) et, évidemment, un Rou toujours épatant en maître de cérémonie, jonglant entre divers registres vocaux et occupant constamment l’espace scénique.
Après un Hectic dévastateur, Rou s’empare d’une guitare acoustique. « C’est bientôt le dixième anniversaire de notre album Common Dreads » lance Chris. En toute logique, cet opus sera lui aussi largement représenté ce soir, le groupe se lançant dans un puissant Gap in the Fence qui laisse le temps aux mosh-pits de se refermer et au public de panser les plaies.
Double dose de The Spark maintenant ; Enter Shikari se lancent dans un doublé risqué avec Shinrin-Yoku et The Revolt of the Atoms, tentant de compenser un son légèrement en deçà par plusieurs expérimentations (trompette, xylophone et danse incarnée de Rou à l’appui). Mais ce doublé convainc bien moins que le reste du set, et marque un léger creux au niveau de la performance du groupe ce soir.
Le groupe remonte heureusement très vite la pente ; et de quelle façon ! « Ça fait longtemps qu’on ne l’a pas jouée, je suis nerveux ! » Sir Reynolds trépigne et tremble, jusqu’à ce que le groupe se lance dans un There’s a Price on Your Head SOAD-esque et nerveux, rescapé bienvenue de l’épatant The Mindsweep. Le groupe se lance ensuite dans un enchaînement fou dont lui seul a le secret. D’abord avec un Gandhi Mate, Gandhi, dont le speech en spoken word est repris a capella par des fans assidus, épatant Rou et ses compères. A mi-chemin, le titre évolue et reprend le thème du single Mothership, qui relance l’intensité de pogos n’ayant jamais vraiment faibli jusqu’ici. Un Insomnia foutraque envoyant le public se fracasser les uns contre les autres, et le groupe conclut cet enchaînement majestueux par un Havoc B qui finit d’entamer les réserves et la santé physique de chacun.
Il est enfin temps de souffler. Un piano est amené sur la scène, et le frontman se lance dans une interprétation déchirante et passionnée du sublime Airfield issu de The Spark, devant un public qui ne prend malheureusement pas le temps de laisser ce moment de grâce exister. L’équilibre revient heureusement au moment du grand sing-along final, repris avec force, où l’on jurerait entendre un stade trembler alors même que le Bataclan est ce soir en petite capacité ; Enter Shikari sont bons à ce point-là.
Comme un petit digestif avant une claque monumentale, le groupe lâche un Undercover Agents efficace, mais résonnant moins fort que les singles de leurs précédents albums. Le titre est complété par un extrait chant de No Sleep Tonight, (toujours !) fier représentant de Common Dreads. Stop the Clocks, nouveau titre du groupe, vient compléter cet enchaînement efficacement, avec un solo guitare des plus agréables; dédicace à la jeune femme qui s’est lancée dans une macarena endiablée au-dessus de la foule. Et c’est alors que le concert atteint son point de non-retour.
« C’est le quickfire round : 4 morceaux, 8 minutes ! » Envoie Rou Reynolds directement à la foule sans passer par le micro. Nous sommes prévenus : les 8 prochaines minutes vont être violentes. Nous n’avions pas tort. Le groupe attaque cash avec Sorry, You’re Not a Winner, ultra-single qui provoque sans conteste le mouvement de foule le plus violent de la soirée, ouvrant la foule en 2. Le titre évolue en The Last Garrison le temps d’un refrain délectable, et sans avoir le temps de souffler, le quatuor nous envoie un …Meltdown directement tiré de A Flash Flood of Colour comme une détonation surpuissante, une mandale électro-metal-alternative qu’on se prend dans la gueule sans pouvoir rien faire. Ce beau bordel se conclut sur un Aneasthetist remixé qui annihile le restant d’énergie d’un public aux anges ; on achève bien les chevaux comme on dit.
Sonne alors (déjà!) l’heure du rappel. Très logiquement, c’est notre ami Rou qui revient en solo pour une version guitare voix du benjamin Take My Country Back, solidement épaulé par un public passionné. Vient alors le titanesque Juggernauts, écrasant de façon très littéralle le Bataclan sous des accords et sonorités électroniques délicieuses. L’heure de la conclusion est déjà là; et curieusement, c’est sur le mitigé Live Outside que le quatuor clôt sa performance, pour un finish sympathique mais loin d’être mémorable. Nous ne leur en tenons pas rigueur, et la formation s’éclipse après 1h40 de show diversifiés et enthousiasmantes sous les discrètes notes de The Embers.
Enter Shikari maîtrisent l’outil live comme s’ils l’avaient eux-mêmes conçus; au-delà d’un constat, c’est une évidence. Une technicité de tous les instants vient soutenir des morceaux surpuissants et jouissifs, propices aux déchaînements de foules les plus violents; le tout couplé à une sympathie sans égale. On aurait néanmoins aimé un peu moins de The Spark dans cette setlist, opus certes convaincant mais fonctionnant moins bien en live que ses pairs. L’occasion de remettre cela une prochaine fois!
Enter Shikari Setlist @ Le Bataclan (30/03/2019)
The Sparks
The Sights
Step Up
Labyrinth
Arguing with Thermometers
Rable Rouser
Hectic
Gap in the Fence
Shinrin-Yoku
The Revolt of the Atoms
There’s a Prince on Your Head
Gandhi Mate, Gandhi
Mothership
Insomnia
Havoc B
Airfield
Undercover Agents
No Sleep Tonight
Stop the Clocks
Sorry, You’re Not a Winner
The Last Garrison
…Meltdown
Aneasthesist
–
Take My Country Back
Juggernauts
Live Outside
The Embers
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