Ce qu’on a retenu de Muse au Stade de France

Pour la troisième fois de leur carrière, Muse rempilaient pour 2 dates en deux soirs au Stade de France. On y était.

Notre dernier contact live avec Muse avait eu lieu dans l’intime espace de la Cigale il y a un peu plus d’un an, pour un show sur demande explosif et mémorable. En ce début de Juillet, nous retrouvons l’inimitable trio dans la généreuse enceinte de deux Stade de France presque remplis; changement de décor, tout d’abord, mais aussi d’ambiance, le groupe venant sur ces deux dates défendre leur nouveau-né, le mitigé Simulation Theory.

Les attentes sont donc évidemment différente alors que l’on pénètre dans l’enceinte du stade. Difficile de croire aux surprises, même si Muse avaient habilement redistribué les cartes en offrant aux fans la b-side Dead Star en 2013; monnaie rare de nos jours. Un semblant d’espoir subsiste en nous; Muse surprendront-ils?

Positionnés dans le stade, on constate déjà une chose: la scénographie semble moins imposante que par le passé. L’immense usine dévoilée en 2013 laisse place en 2019 à un écran certes très large mais aussi très simple, complété de nombreux rack d’éclairages et d’une avancée. Ne jugeons pas trop vite; en terme de mise en scène, Muse savent y faire.

Niveau affiche, les premières parties ne sont pas en reste. Si le punk-rock alternatif ultra-convenu de SWMRS nous a laissé de marbre le Samedi, la double affiche de Mini Mansions a impressionné par une maîtrise des codes et leur façon de les détourner, multipliant les envolées lyriques et explosions garage délectables. Quant à Weezer, conviés le Vendredi, la formation a su charmer efficacement la foule en proposant ses inimitables tubes (Island In the Sun, Say It Ain’t So, The Sweater Song) tout en balançant quelques covers bien senties sous la forme de Take On Me et de l’inénarrable Africa de Toto.

21h25, le temps est enfin venu d’accueillir les héros de la soirée. Et si nous prenons l’ambition de chroniquer les concerts donnés chaque soir simultanément en un seul et même article… C’est tout simplement car les concerts auront malheureusement été quasiment similaires d’un bout à l’autre; à l’exception de quelques riffs, bien sûr.

Mais revenons-en à 21h25. On l’a dit, Muse ont le sens du spectacle. C’est ainsi sans grande surprise qu’on observe des dizaines d’extras débarquer, entichés de casque de réalité virtuelle customisés et de trombones, pour lancer une version alternative du titre d’ouverture Algorithm. Le batteur Dominic Howard apparaît sur la gauche de la scène derrière deux tambours. Finalement, Chris Wolstenholme se dégage discrètement d’une plateforme élévatrice tandis que Matthew Bellamy, frontman assumé, émerge avec assurance d’une plateforme surgissant au bout de l’avancée, entouré de tous les extras, lunettes et gant futuriste à l’appui. Entre le grandiose et le ridicule, il n’y a qu’un pas; la puissance du titre l’emporte heureusement, pour enchaîner très vite sur un Pressure instantanément efficace et fédérateur. Muse sont bien arrivés.

Ainsi, pour la première heure et demie de show, le trio alternera avec précision entre extraits de Simulation Theory et anciens titres de leur discographie. Parlons donc tout d’abord de ces nouveaux titres; très logiquement, ce sont eux qui ont la part belle aux effets de mise en scène les plus impressionnants et surprenants. Les extras aperçus dès l’ouverture pullulent dès l’ouverture de chaque titre de Simulation Theory; que ce soit équipés de larges pompes à pression sur Propaganda ou suspendus en l’air et marchant à la verticale sur le RATM-esque Break It to Me. Thought Contagion, monstre de live, voit cette fois les extras entamer une danse macabre zombifiée et exaltante. Quant à Dig Down, revisitée en version gospel acoustique, quelques extras se retrouvent cette fois emmenés en l’air au moment du falsetto angélique final. On avait dit quoi sur le ridicule déjà?

Par chance, Muse prennent soin d’interpréter les meilleurs titres de leur dernière galette. Exit le ridicule d’un Something Human ou d’un Get Up and Fight, le groupe sélectionne avec justesse ses hymnes, notamment lors d’un The Dark Side à la puissance folle. Et si tous ne fonctionnent pas parfaitement (Propaganda manque curieusement d’un peu de panache), le tout s’intègre sans sourciller dans le set du trio.

Au niveau du reste de la setlist, Muse remplissent le cahier des charges sans sourciller. Tous les incontournables de la formation répondent à l’appel et envoient quasi-systématiquement l’intégralité du public dans une impressionnante transe: Uprising, Plug In Baby, Supermassive Black Hole, Hysteria, Starlight, … Ce best-of fait plaisir à voir, de par la qualité inhérente aux titres en eux-mêmes que par la passion qui transpire de chaque membre du groupe, semblant sincèrement ravis d’être là. Couplé à quelques riffs et intro bien sentis, le tout passe impeccablement; et peut-être même un peu trop.

Car c’est bien là le souci lorsque l’on va voir Muse en stade; le show est réglé comme du papier à musique, la mise en scène ne laissant pas de place à la spontanéité ou à la surprise. Tout est réglé, calibré, millimétré, de l’ouverture de Plug In Baby au lancer de guitare du rappel. Tout sonne trop juste, et encore plus quand tout est répété à la croche près le deuxième soir.

En parlant de mise en scène; Muse poussent cette fois le curseur au maximum, cristallisant les thématiques qui les obsèdent depuis The 2nd Law: le futur des technologies actuelles et leurs dérives. A l’image de la pochette de Simulation Theory, les éclairages et animations du groupe sont saturés de bleus et de rose néon jusqu’au gavage, présentant régulièrement la création/simulation de squelettes portant des casques de réalité virtuelles, insensibles malgré eux à la destruction du monde environnant. Le tout saupoudré d’une bonne dose de subtilité comme Muse sait le faire (vous vous rappelez de Drones?) Le tout culminant en fin de concert avec l’apparition d’un gigantesque robot futuriste gonflable, le temps d’un medley metal franchement jouissif.

On parlait d’absence de surprises, et on a peut-être été un poil mauvaise langue; ainsi, en lieu et place d’un Undisclosed Desires tout à fait passable le premier soir, Muse nous ont gratifié d’un Bliss revigorant lors de la deuxième soirée, secouant très légèrement l’équation d’un show sinon très prévisible. Le trio prend tout de même le soin de ramener The 2nd Law: Unsustainable, bombe électro-rock renversante que nous ne voyions plus depuis 2013, et Take a Bow, ouverture épatante et apocalyptique de Black Holes and Revelations. Pour tous les reproches que l’ont peut faire à la setlist, Muse savent piocher dans leurs catalogues pour constituer un choix thématique et sonore cohérents avec leur show.

Et pour les amateurs de rock, de vrai? Hormis un Houston Jam revisitant quelques iconiques riffs du groupe, il faut attendre le medley metal de fin de concert pour retrouver, bien que tronqués, Stockholm Syndrome, Assassin, Reapers, The Handler et New Born, déflagration programmée et satisfaisante avant l’inévitable conclusion Knights of Cydonia. Un au revoir, un remerciement, un pipi et au lit.

L’équation Muse est donc bien complexe à appréhender en 2019; d’autant plus complexe que le groupe ne cesse de jouer sur l’adhérence des fans aux pans les plus abrupts de leur discographie, ayant proposé dans les dernières années des show sur demande et d’anniversaire, occasions bienvenues de ressortir les raretés. Si le trio est bien conscient de cela, pourquoi ne pas trouver un équilibre entre ces shows intimistes et les shows de stade? Pourquoi ne pas proposer une base solide de morceaux plus obscurs entre lesquels alterner comme avec la roulette de 2013? La mise en scène peut se révéler flexible, comme nous l’a montré ce switch Undisclosed Desires/Bliss entre le premier et le deuxième soir. Pourquoi ne pas favoriser cette recette, à même de satisfaire les néophytes comme les acharnés?

Ce questionnement sans réponse est sans doute stérile mais interroge, toujours dans le sens où Muse nous prouvent régulièrement qu’ils sont capables de nous surprendre et de piocher dans les titres les plus anciens de leur riche catalogue; nous ne pouvons qu’espérer que cette initiative sera plus richement stimulée dans les années à venir. En tout cas, Muse au Stade de France en 2019, ça reste cela: une expérience efficace et satisfaisante sur le premier plan, mais frustrante dès que l’on commence à gratter le vernis de la logique du groupe. Allez Muse, on continue de croire en vous.

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