La fièvre mélancolique de King Krule à L’Olympia

Pour son retour à Paris, King Krule a choisi d’embrasser L’Olympia de la plus belle manière qui soit, proposant un set équilibré entre trois albums neurasthéniques, sombres et aventureux 

« Is there anybody out there ? ». Depuis toujours, la musique d’Archy Marshall – plus connu sous le pseudonyme de King Krule – est possédée par la plus radicale des idées, la plus torturée mais aussi la plus universelle : l’irréversible sensation de solitude. En trois albums, moulés dans une sonorité atypique, entre le rock progressif et le sonic-blues dégoulinant sur le garage, Krule aura réussi à bâtir son propre univers. Un paysage mental de ses hantises, de son état mental en pleine évolution (après tout, il n’a que 25 ans), de ses aspirations, en tant que musicien, désormais connu sur la scène internationale.

En cette soirée de mars 2020, où l’Hiver arrive à son paroxysme, il vient présenter le dernier né de sa discographie, Man Alive ! (coup de cœur de la rédaction), sorte de condensé de ses deux précédentes œuvres (le coup d’envoi 6 Feet Beneath the Moon et l’errance tempetueuse The OOZ, petit chef-d’œuvre). Et pourtant, ce nouvel opus n’est pas un rite de passage, ni un chapitre alternatif d’une œuvre en changement – il y a cette authenticité qui persiste, cette envie de nous plonger dans les tréfonds d’un caniveau plongé dans le crépuscule, dans la dépravation… Et dans cette noirceur, on y trouve une beauté nouvelle, un état de grâce, sentiment d’extase intense. 

Sans doute, l’énergie contrastée que provoque la musique de King Krule aura su envoûter L’Olympia, salle mythique de la ville lumière. Tant d’âmes y sont passées, y ont jouées leur plus grands titres. Marshall en a sûrement conscience, quand il nous emporte dans un tourbillon étourdissant de sons et lumières, sous riffs de guitares acérés et jeux de batterie aussi énergiques que mathématiques (« Dum Surfer », « A Lizard State », « Biscuit Town », plus tard dans le set « Rock Bottom » et « Stoned Again »). La basse de James Wilson est ronde, parfois maîtresse et englobe l’ensemble, apporte son lot de chaleur. A ses côtés, l’homme à tout faire Ignacio Salvadores donne vie à son saxophone. Il monopolise l’attention, le temps d’un envoûtant solo dans « Underclass », un des meilleurs titres du dernier opus.

Reste que la présence globale du groupe fonctionne en un tout absolument implacable : outre les talents indéniables de chaque artiste, il y a cette envie de jouer ensemble. Après un passage nébuleux (« Energy Fleets », « (A Slide In) New Drugs »), la magnifique « The OOZ » vient fracturer le set et annonce le dernier acte. Le concert est suspendu, le temps d’une ballade lunaire, où la foule baigne dans un bleu océanique. Un moment de grâce avant « Baby Blue » et « Easy Easy », deux des titres les plus attendus de la soirée.

La voix du crooner se laisse alors submergée par un public bouillonnant – mais jusque-là un tantinet timide, presque omnibulé par le moindre acte héroïque des musiciens. Sous les coups d’un dernier orage électrique, les lumières s’éteignent quelques instants. Elles reviennent à la vie le temps d’un morceau épilogue, « Out Getting Gibs », où Krule commence en solo. Mais justement, il n’est plus seul. Ses musiciens le rejoignent et ensemble, nous emmènent dans une dernière valse bluesy. L’enfant terrible, le Zoo kid de la scène britannique écrase sa guitare sur le sol et disparait dans un torrent d’applaudissements. 

King Krule @ L’Olympia – 04/03/20

Has This Hit?

Dum Surfer

A Lizard State

Perfecto Miserable

Alone, Omen 3

(Don’t Let the Dragon) Draag On

Cellular

Biscuit Town

Cadet Limbo

Rock Bottom

Little Wild

Stoned Again

Underclass

Energy Fleets

Half Man Half Shark

(A Slide In) New Drugs

The OOZ

Baby Blue

Please Complete Thee

Easy Easy

Encore:

Out Getting Ribs

King Krule se produira le 8 juin prochain au Transbordeur, à Lyon.

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