24 Mai Ces producteurs qui ont marqué l’Histoire : John Fryer

Photo par Ali Sa

Dans cette série d’articles, nous revenons sur le parcours de dix producteurs britanniques qui ont marqué l’Histoire.

Qu’est-ce qu’un producteur de musique ? Contrairement au cinéma, le rôle d’un producteur n’est pas de financer un enregistrement, il intervient dans la conception de celui-ci. Son intervention est diverse et varie en fonction des producteurs et des artistes. Leur mission est de faire en sorte que les morceaux, EP et albums enregistrés soient les meilleurs possibles. Pour cela ils peuvent guider les musiciens, proposer des arrangements ou des nouvelles méthodes d’enregistrements, etc. Ce qui les intéresse est que le produit fini soit beau et cohérent. Aujourd’hui nous nous intéressons au travail de John Fryer. Les articles précédents étaient sur George Martin, Gus Dudgeon, Roy Thomas Baker, Nigel Godrich et Brian Eno.

Une étroite collaboration avec 4AD

En 1980, se crée 4AD, ce label indépendant qui réunit des groupes qui sont sources d’inspirations de beaucoup d’artistes aujourd’hui. Parmi ces derniers on retrouve les Cocteau Twins, Dead Can Dance, ou encore le supergroupe This Mortal Coil. Certains enregistrements se faisaient aux studios Blackwing à Londres, là où officiait John Fryer, alors âgé de 22 ans. Il avait été recruté après s’y être rendu pour un enregistrement avec le groupe d’un de ses amis. A cette époque, il ne connaissait que la base du métier : enregistrer un signal sonore sur une cassette. Il apprend très vite avec ce que Londres peut lui offrir de plus créatif : les artistes de 4AD.

Fryer l’explique lui-même, ces personnes ne souhaitaient pas suivre les règles, elles étaient là pour expérimenter. « Si ça faisait du bruit, ça devenait un instrument ». Pour la chanson Fatal Impact, des pots de peintures sont utilisés comme percussion et ça ne dérange pas le producteur : « le son est la seule chose qui m’intéresse ». Fryer produit le premier album éponyme de Dead Can Dance dont est issu ce morceau et les aide à modeler leur son. Quelques années plus tôt il avait travaillé sur le premier album de Depeche Mode, un autre groupe annonciateur de la créativité qui allait être déployée dans les années 1980.

4AD regorgeait de talent (et c’est toujours le cas), si bien que le co-fondateur Ivo Watts-Russel décide de fonder le super-groupe This Mortal Coil avec John Fryer. Il n’y avait pas de membre fixe, les artistes du label et des invités enregistraient sous ce nom comme Pixies, Modern English ou Breathless. Lors de cette décennie, 4AD rassemblait les groupes alternatifs les plus créatifs et Fryer était derrière nombreux de leurs enregistrements.

Fryer et les Cocteau Twins

Là où son influence est la plus marquante est avec les Cocteau Twins. Il commence à travailler en tant qu’ingénieur son sur le premier album Garlands, puis sur les deux EP qui suivent et produit leur deuxième album Head Over Heels. Fryer était donc présent dès leur début et se souvient qu’ils étaient très timides sur l’enregistrement de Garlands. Puis le deuxième album c’était, beaucoup d’expérimentation, notamment autour de la voix et de la guitare. Ensemble, ils ont développé la voix de Liz Fraser, la traitant comme un instrument à part entière. Combinée avec la guitare de Robin Guthie, ils créent cette musique qui nous transporte instantanément dans un autre monde.

Fryer et les Cocteau Twins sont parmi les pionniers du dream pop moderne. Pour cela, ils n’avaient pas peur d’essayer des choses non-conventionnelles. Ils ont, par exemple, alimenté une guitare électrique via un clavier et enregistrer le résultat.

La production du premier Nine Inch Nail

En 1989, il produit la majorité des chansons du premier album Nine Inch Nails. Cet album parmi ceux qui ont permis à l’industrial rock à gagner en popularité. Pourtant, en enlevant une partie des synthés de Pretty Hate Machine, le label TVT considéra qu’il avait ruiné le potentiel des démos. La vision de Fryer a encore une fois été correcte puisque l’album est désormais triple disque de platine.

Une carrière dense

Depuis 1980, John Fryer a travaillé sur une quantité impressionnante d’enregistrements en ne prenant que cinq jours d’arrêts maladie entre 1980 et 1989, avant de devenir free lance. Il fut un acteur majeur dans le développement de certains styles de musique, comme la dream pop, le shoegazing ou le rock industriel. L’équipe que formaient, dans les années 1980, 4AD, les musiciens et John Fryer a profondément changé le monde de la musique et inspire, encore aujourd’hui, de nombreux groupes. Nous n’avons pu revenir que sur certains points de sa carrière qui continue encore. Il a récemment produit un album de l’artiste sénégalaise Fakeba.