Yard Act à Paris

Interview — Yard Act, ou un succès né des mystères de l’univers

À l’occasion de leur concert à Paris dans le cadre du Pitchfork Music Festival, on a interviewé Yard Act, la sensation post punk venue tout droit de Leeds. Tête d’affiche du festival au Supersonic Records le soir-même, en concert à Toulouse la veille, apparemment à l’affiche de quelques festivals cet été … Ils font partie des groupes les plus à suivre en 2022, alors on a tenté de décrypter la recette de leur succès express, et on s’est retrouvés à tenter de percer les mystères de l’univers.

Est-ce que vous pouvez nous présenter le groupe et nous dire pourquoi vous avez décidé de monter Yard Act ? 

James : C’est une question compliquée … Nous présenter ? Ouais, on est Yard Act. Et pourquoi est-ce qu’on a monté le groupe ? Je me suis posé la question justement, je ne sais pas pourquoi on a décidé de faire ça. 

Ryan : C’est comme des portes coulissantes et toutes les choses qui se sont passées pour que ce groupe existe. C’est tellement étrange qu’on se soit tous trouvés. C’est la vie ! 

James : C’est sûr que c’était plus simple qu’on habite tous à Leeds. C’était censé arriver mais on a eu de la chance de tous vivre à Leeds. 

Ryan : Je ne sais pas comment … On dirait un peu de la sorcellerie quand on y pense. C’est comme si la force supérieure en laquelle on croit a mis en place les éléments pour qu’on se retrouve tous. Je suis content que ça soit arrivé. 

James : On se connaissait déjà tous. Jay (batterie) n’est arrivé à Leeds que plus tard mais Sam, Ryan et moi, on se connaît tous depuis sept ou huit ans. On a tous fait partie de quelques groupes de Leeds, donc on connaissait tous l’existence des autres. C’est juste génial qu’on ait décidé de se réunir et de monter notre groupe. Ce n’est pas vraiment une chose à laquelle on pensait jusqu’au moment où on a décidé de monter le groupe. Ryan et moi avons décidé de monter le groupe, c’est comme ça que ça a débuté. Ça ne serait pas arrivé si Ryan et moi n’étions pas devenus très bons amis et si Ryan n’avait pas emménagé chez moi. Donc voilà, c’est comme ça qu’on a monté le groupé. 

Ryan : Ah ouais, moi je parlais de l’univers ! 

James : Ouais, Ryan a emménagé chez moi pendant trois mois, il était dans la chambre à l’étage et je passais mon temps à monter pour qu’on enregistre des démos, et ce qui était censé être un projet à côté est devenu notre projet principal. Puis on a enregistré une chanson, fait quelques concerts avec d’autres personnes, puis il y a eu la pandémie. Au début on s’est dit “oh, on a qu’à attendre que la pandémie soit terminée pour sortir cette chanson”, ce qui aurait été idiot. Donc quand on a compris qu’on pouvait la sortir, on l’a fait, ça a très bien marché et on s’est un peu lancés à partir de ça. Puis Sam nous a rejoint pendant l’été 2020, on savait qu’il était incroyable et la bonne personne pour remplacer notre guitariste, puis Jay nous a rejoint vers février/mars de cette année. On connaissait Jay également, on savait qu’on faisait le bon choix. Et depuis, on fait juste notre truc. 

Vous avez très vite acquis une notoriété et vous avez sorti votre EP à une période où il était impossible de faire une vraie promo. Comment vous vous êtes sentis ? 

Ryan : C’était étrange je dirais parce qu’on ne pouvait pas faire de concert, qui normalement pouvaient nous servir d’indicateurs pour savoir si ça marche ou pas. Mais, je ne sais pas. Sortir à la fin de tout ça, tout s’est fait en ligne, nous chez nous sur notre ordinateur, ce qui d’une certaine manière était étrange tout en étant cool. Donc cet été, c’était un peu comme si on nous retirait la couverture de sécurité et qu’on se retrouvait direct sur des grandes scènes. C’était cool parce que c’était une expérience nouvelle, on a tous fait partie de plusieurs groupes et rien de tel n’était arrivé jusqu’à présent. Je ne sais pas, comme expérience, quelque chose qui ne se répète pas, c’était une bonne chose pour moi. 

James : Ouais, tout était vraiment une question d’adaptation. Et je pense qu’on a tous appris qu’il y a d’autres manières de promouvoir son groupe que de faire des concerts, ce qui est une bonne chose en soi. Mais ce n’est pas aussi agréable que de faire des concerts. Mais comme on n’avait pas vraiment eu l’opportunité de faire ça, je pense qu’on ne s’en est pas vraiment rendu compte jusqu’à ce qu’on y retourne … Jusqu’à ce qu’on se produise l’été dernier en fait. On n’y est pas retournés puisqu’on n’existait pas avant. On a été très chanceux puisqu’on s’est retrouvés dans une position que très peu de groupes ont eu avant nous, qui était qu’on avait déjà un public qui connaissait la moitié de nos chansons. Et c’était vraiment étrange, puisqu’on s’est retrouvés dedans … Enfin, on a toujours des concerts où on doit réussir à toucher un nouveau public, mais on a aussi fait des concerts où le public était déjà convaincu. On s’est retrouvés à faire notre premier concert en tant que tête d’affiche à Manchester, dans un sous-sol complet où tout le monde sautait, dansait et connaissait toutes les paroles. C’est très étrange, on ne peut pas vraiment se préparer à ça. Ce n’est pas comme ça que fonctionnent les groupes, tu dois mériter ta place en haut de l’affiche. Tout ça s’est passé très rapidement. 

Jay : C’est comme si on avait triché et débloqué tous les niveaux sur l’ordi. 

James : Ouais, on a juste appris à s’adapter et on est reconnaissants, on sait qu’on est privilégiés d’être dans cette position. Si on avait commencé un an plus tôt, on aurait sûrement sorti notre album à un moment où on aurait rien pu en faire, et on sait très bien que d’autres groupes, des très bons groupes, se sont retrouvés avec une promo d’album totalement détruite à cause de la pandémie. Mais, à cause de là où on en était, on a réussi à naviguer entre tout ça. 

Ryan : Ouais, c’est ce que je disais, c’est l’univers. Quelqu’un a dû faire quelque chose de vraiment bon, mais ce n’est pas moi ! 

Ça vous fait quoi de jouer à Paris ? Vous avez déjà joué ici, peut-être avec d’autres groupes ? 

James : Oui, on a tous joué à La Flèche d’Or. 

Ryan : J’ai joué à un autre endroit qui était, c’est peut-être comme ça partout, c’était un petit bar au coin de la rue, il faut descendre et il y a des escaliers très étroits. 

Oh, Backstage by the mill ? 

Ryan : Oui, c’est ça ! 

James : Wow ! Très bonne mémoire … ou très bonne description. En général, pas juste en France, mais dans le reste de l’Europe, quand on sort du Royaume-Uni, on est bien mieux traités. 

Jay : Oh oui, la différence est considérable. 

James : En général c’est une expérience plus appréciable.

Sam : Peut-être pas à Paris. 

James : Oui, on a vu pas mal de conducteurs énervés aujourd’hui, je ne sais pas si c’est la même chose dans le monde de la nuit. Si c’est le cas, ça sera horrible, mais je ne pense pas que ce soit le cas. 

Ryan : C’est dément d’être ici en vrai, Pitchfork in Paris c’est plutôt cool, le disquaire est dément, tout le monde a l’air sympa, c’est cool. 

James : On a joué à Toulouse hier soir et c’était cool aussi. Paris devra se montrer à la hauteur ! 

En ce moment, beaucoup de groupes se remettent à la guitare. Pourquoi est-ce que vous pensez que c’est le bon moment d’être dans une formation rock classique ? 

James : Bonne question. 

Sam : Quel groupe a commencé ça ? 

On pensait à Sam Fender, par exemple. 

James : Tu adores Sam Fender. 

Sam : C’est vrai.

Ryan : Je pense qu’il y a pas mal de choses à dire ici. Je pense qu’il y a la puissance pure, je pense que les gens sont à nouveau enthousiasmés par ça. Et il y a aussi les paroles, le sujet des chansons j’imagine. 

James : Je pense que ça a à voir avec le fait que la guitare soit le seul instrument avec lequel tu puisses jouer et lutter. C’est sûrement l’instrument le plus physique. Il y a quelque chose, une expression avec la guitare. Il y a une façon de s’exprimer à travers la guitare, parce que tu peux bouger avec, ça ne te cache pas le visage comme une trompette. Je pense qu’on y revient. Chaque fois qu’un groupe utilise des guitares et devient connu, ils sont légèrement différents tout en étant sensiblement les mêmes. Il y a toujours eu de la bonne musique, il y aura toujours quelqu’un pour créer quelque chose d’incroyable, que ce soit sur un ordinateur, un vieil orgue du 17ème siècle ou une guitare. Peu importe la façon dont on crée la musique, ce n’est pas important, il y aura toujours de la bonne musique. Mais je ne pense pas qu’il y ait eu quoi que ce soit qui soit plus cool ou plus iconique qu’une guitare. Personne n’a jamais créé un instrument qui ait l’air plus cool ou plus accessible que la guitare. L’image de quelqu’un en train de jouer de la guitare et d’y aller à fond … Quand les gens voient ça pour la première fois, ça reste l’une des choses les plus excitantes. 

Ryan : Je pense que c’est l’objet. Un clavier par exemple, c’est sympa en soi, mais c’est très statique. J’ai essayé, et c’est compliqué de se donner autant dessus. 

Sam : Ce retour, je n’ai pas vraiment de point de vue dessus. Il y a les boomers, la génération x, les millenials, la génération z, c’est ça ? Est-ce que la génération z aime cette musique ? 

Ouais, par exemple Arctic Monkeys redevient à la mode grâce à Tik Tok. Et le dernier album de Willow Smith est juste du rock pur, il y a aussi Olivia Rodrigo. 

James : Ouais, on a parlé avec la fille de notre manager qui a 15 ans, et elle adore Arcade Fire et les écoute. Elle les a découverts dans la collection de vinyle de notre manager. Donc il y a une nouvelle génération qui pille les disques de leurs parents, et c’est ce qui est sorti il y a 15-20 ans. 

Ryan : Donc les gamins de 15 ans découvrent Kings of Leon, The Strokes, Arcade Fire ….

James : Et je pense que quelques années plus tôt, ils trouvaient plutôt Chemical Brothers, Fat Boy Slim. Je veux dire, il y a de la musique, mais c’était plus l’esprit rave, dance et hip-hop de ces années-là. 

Sam : C’était My Chemical Romance. J’ai trop hâte du retour des émos. 

Ryan : J’imagine que Yungblud est une sorte d’équivalent. 

James : Ouais, et même Billie Eilish, peut-être pas le nouvel album, mais son premier. Ou Princess Nokia, je sais qu’elle n’est pas hyper connue, mais elle se réapproprie les codes du métal, Slipknot, tout ça. Tout cet imaginaire, Yungblud, Billie Eillish dans le premier album, ça reprend les codes du grunge, du nu metal, le nu metal est devenu à la mode. Ayant vécu à cette époque, je ne pensais pas un jour voir ça. Ce qui était à la mode dans le passé est un puits sans fond pour le futur. 

Sam : La question c’était plutôt pourquoi maintenant ? C’est étrange, j’essaie de réfléchir, je n’en ai vraiment aucune idée. 

Un autre groupe nous a dit que c’était sûrement à cause de la pandémie, que les gens en avaient marre de la musique qu’on peut faire chez soi et voulaient écouter de la guitare en live. 

Ryan : C’est ce que je voulais dire par “puissance pure”, le fait de rentrer dans une salle et d’être percuté par un mur de son. Ça pourrait être ça, je suis complètement d’accord. 

James : C’est une super théorie, qui a dit ça ? 

The Luka State. 

James : C’est une théorie de taille, je serais curieux de voir des études sur ça. Je n’ai pas le temps personnellement. 

Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre premier album ? 

James : Le message général, c’était juste — sans en faire trop non plus — d’essayer de voir l’humanité parmi les gens et d’être moins divisés par la politique, de vraiment plus s’intéresser aux gens. Réaliser que chacun vit sa vie et est piégé par un système, qu’ils essaient de gérer et que tout le monde ne réalise pas ça. Ils essaient de surmonter ce système, d’y vivre, et tout le monde a des raisons d’être tendu et stressé. En gros c’est juste un album anticapitaliste mais ça tourne autour des combats intérieurs qu’on mène parce qu’on doit tous vivre dans ce système capitaliste. C’est beaucoup autour de moi qui doit accepter que je dois gagner de l’argent même si j’aimerais que ça n’existe pas, et la complexité de tout ça. 

Vous allez revenir en France pour le promouvoir ? 

Ryan : Oui, on sera à Lille en février prochain, à L’Aeronef. 

James : Et à La Boule Noire. C’est bien comme endroit ? 

Ouais ! 

Ryan : Et ensuite on reviendra faire quelques festivals qu’on n’a pas le droit d’annoncer pour l’instant. On va revenir souvent. 

Est-ce que vous écoutez des groupes français ? 

Sam : Les seuls groupes français qu’on écoute sont électro. Phoenix sont géniaux. 

James : Ou François and the Atlas Mountain

Jay : J’aime bien Gojira aussi. 

Ryan : La France est douée ! 

James : Et tout ce qui est électro également, Daft Punk c’est vraiment quelque chose, pas vrai? 

Y’a-t-il des groupes que vous aimez bien en ce moment que vous aimeriez faire découvrir à nos lecteurs ? 

Jay : On a vu Gustaf, de New York, ils sont vraiment géniaux. 

Sam : On devrait sûrement mentionner Katy J Pearson aussi, qui joue ce soir. 

James : Barba Ali, il est techniquement du New Jersey, il sera en tournée avec nous en février. Et Nuha Ruby Ra sera en tournée avec nous en mai, donc on va plutôt parler d’eux. Les deux sont vraiment des artistes géniaux, ainsi que Katy J Pearson, qui joue ce soir au Supersonic. 

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