10 Nov Jamiroquai fait danser la LDLC Arena à Lyon
Ce samedi 8 novembre, le groupe Jamiroquai faisait son grand retour à Lyon après 14 ans d’absence. En première partie, on retrouvait le DJ français Cerrone.
Depuis l’ouverture de la salle en 2023, l’équipe de Sound Of Brit a couvert de nombreux concerts à la LDLC Arena. On y a, par exemple, vu Dua Lipa, Sting ou encore Sleep Token. Mais pour ma part, en tant que Normande vivant à environ 600 kilomètres de Lyon, c’était la première fois que je m’y rendais. Je dois dire que la salle était à la hauteur de mes attentes : la scène était plutôt grande, le son de très bonne qualité, le personnel accueillant… Cela fait plaisir de voir une si belle salle en France pour accueillir nos Britanniques préférés.
La masterclass de Cerrone
Quelques jours avant le concert, Jamiroquai annonce sur leurs réseaux sociaux que la première partie des dates de Lyon et Barcelone serait assurée par Cerrone. Autant dire que la surprise était totale. Cerrone comme le DJ français qui a contribué à populariser l’électro et le disco dans les années 70 ? Comme celui qui a mixé lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques l’an dernier ? Eh bien, oui, c’est bien ce Cerrone que nous avons vu à la LDLC Arena en première partie de Jamiroquai. Dès le début, le ton de son set est donné : du disco, du funk et de la house. Parmi les titres mixés ce soir-là, on reconnaît I’m Yours de Breakbot et Irfane mais aussi Supernature, le plus gros tube de Cerrone.
Mais ce qui impressionne surtout ce soir-là, c’est le plaisir que semble prendre le DJ sur scène. Avec cinquante ans de carrière derrière lui, on pourrait s’attendre à un artiste blasé ou au minimum habitué à toute cette folie… mais pas du tout. Pendant les quarante cinq minutes de set, son sourire ne l’a pas quitté des lèvres et on ne compte plus les mouvements de danse qu’il a effectués tout en mixant. Difficile d’imaginer meilleure première partie avant l’entrée en scène du groupe de Londres.
Place à la danse avec Jamiroquai
À 21h pile, les lumières s’allument sur scène et un son de didgeridoo retentit. La scène tremble déjà sous les basses alors que personne n’est encore apparu. Les musiciens entrent les uns après les autres : Matt Johnson aux claviers, Paul Turner à la basse, Rob Harris à la guitare, Derrick Mckenzie à la batterie accompagnés de choristes au groove imparable. Puis, quelques secondes plus tard, on aperçoit une ombre avec un chapeau. C’est Jay Kay qui fait son entrée sur scène sous les ovations du public. Dès le début, le chanteur semble très en forme. Il crie « Ça va Lyooon ?! » en français tout en faisant quelques jeux de jambes.
Dès le deuxième morceau, Little L, toute la salle est debout pour danser. Pas juste remuer la tête. Pas juste sauter. Danser, pour de vrai, avec le corps entier, comme si on avait tous laissé nos complexes au vestiaire. Par moments, on se serait crus revenus dans une discothèque des années 70, boule à facettes incluse.
Paradoxalement, si les tubes ont retourné la salle, ce sont deux morceaux inédits qui ont créé les moments les plus mémorables. Disco Stays the Same, long de neuf minutes, transforme la LDLC Arena en piste de danse géante et Shadow in the Night a déjà tout du futur hit. Je ne l’ai entendu qu’une fois et pourtant, son refrain a tourné dans ma tête toute la nuit.
Un groupe presque parfait
Souvent, la musique faite pour danser est mal considérée, voire méprisée. Un peu comme la comédie au cinéma : on croit que c’est facile parce que ça a l’air simple. On oublie la précision, l’exigence, le travail. Mais ce qu’il y a de génial avec Jamiroquai, c’est qu’on peut tout lui reprocher sauf ça.
D’abord, parce que le groupe a prouvé qu’il sait aller ailleurs, avec des morceaux plus sombres comme Talullah ou The World That He Wants. Mais surtout parce que, ce soir, aucune chanson ne ressemblait exactement à sa version studio. Toutes étaient prolongées, réarrangées, tissées de solos et d’improvisations. Ce n’était pas une playlist de best-of mais un vrai concert.
On se rend alors compte à quel point les musiciens de Jamiroquai sont sous-estimés. Où est Matt Johnson dans les classements des meilleurs claviéristes ? Où est Paul Turner dans ceux des bassistes ? Ce soir-là, chacun était mis en lumière autant que Jay Kay. C’est un groupe, pas une star entourée. Et à chaque fin de solo, les sifflets d’admiration montaient de toute la salle.
Jay Kay, lui, n’est pas un « chanteur à voix » au sens classique. Il est un chanteur à groove, à rythme. Sa voix androgyne n’a pas bougé depuis 1993. Il passe du parlé-chanté aux falsettos avec une souplesse déconcertante, qu’il soit porté par un mur d’instruments (Canned Heat) ou presque seul (The World That He Wants).
Physiquement aussi, c’est impressionnant de le voir évoluer sur scène. Il se déplace de gauche à droite comme s’il voulait saluer chaque personne individuellement. Il saute, fait des mouvements de breakdance et prend même le temps de descendre dans la fosse pour signer quelques autographes. On sent qu’il aime être là. Et ça change tout.
Rien n’est laissé au hasard
L’ordre de la setlist était, quant à lui, plutôt bien pensé. On retrouve des hits au début (Little L, Space Cowboy), au milieu (Runaway, Travelling Without Moving), mais aussi à la fin (Cosmic Girl, Love Foolosophy). De la même manière, la première chanson jouée était Don’t Give Hate a Chance. La dernière s’appelait Virtual Insanity. Coïncidence ? Pas vraiment. Parce qu’avant de chanter Virtual Insanity, Jay Kay s’est exclamé : « It was written in 1997 and it appears to be coming true in 2025 because we seem to have a world that is run by maniacs… I thought I was crazy until I saw them. » On l’oublie trop rapidement, mais Jamiroquai a toujours été un groupe engagé sur certains sujets comme l’inclusion ou l’écologie. Déjà en 1993, leur premier album s’appelait Emergency on Planet Earth à une époque où l’on parlait peu de réchauffement climatique.
Les coiffes aussi étaient pensées pour chaque section.
Pendant la première partie du concert, Jay Kay porte un haut-de-forme. Classique, élégant, presque iconique. C’est ce chapeau-là que beaucoup associent immédiatement à Jamiroquai, celui de Virtual Insanity.
Pour la deuxième partie, le look change complètement. Jay Kay apparaît cette fois avec une sorte de casque audio futuriste, dont les “oreilles” projettent des lumières fluorescentes évoquant autant le disco que les clubs électro. Visuellement, l’idée est cohérente avec les décors très colorés. Mais c’est sûrement l’accessoire le moins convaincant de la soirée : joli, mais un peu gadget.
Et puis arrive la troisième partie. Jay Kay revient avec la coiffe indienne électrique, celle qui change de couleur dès que l’on appuie sur un bouton. Et là, on comprend : ce n’est plus juste un accessoire. C’est l’emblème du groupe.
Avant même le concert, on l’avait vue partout : hissée sur un poteau devant la salle, sur la tête d’un fan, imprimée sur les t-shirts officiels. Alors quand elle apparaît enfin sur scène, la réaction est immédiate. Une ovation. Le public est en fête.
Pour la dernière chanson, Jay Kay remet finalement le haut-de-forme du début. Comme un retour à la source. Et ce n’est évidemment pas un hasard. La chanson s’appelle Virtual Insanity et son clip, culte au point d’être parodié par Les Simpsons, a marqué des millions de personnes.
La boucle est bouclée.
Quelques incohérences
Vous l’aurez compris, j’ai vraiment passé un excellent moment à profiter de ces 2h15 ce concert. Mais si je devais chipoter, il y a quand même un point qui m’a un peu interrogée.
Prenons Little L. Dès les premières notes, la salle se lève d’un même mouvement : tout le monde est prêt à danser. Mais très vite, la version proposée est plus longue, plus posée, presque contemplative. Alors les gens se rassoient, puis se relèvent, puis se rassoient à nouveau. Même scénario sur Space Cowboy. Et, dans une moindre mesure, sur plusieurs titres de la soirée.
Attention : ce n’est pas que ces versions étaient mauvaises. Au contraire, elles étaient très réussies, souvent magnifiques même, et elles mettaient parfaitement en valeur l’immense talent du groupe. Simplement, l’alternance danse / écoute / danse / écoute pouvait parfois casser un peu l’élan collectif. On ne savait pas toujours si on devait se laisser emporter ou se concentrer.
Certains réarrangements fonctionnaient à merveille, comme cette Love Foolosophy prolongée, hypnotique. D’autres étaient un peu moins fluides. Rien de grave : juste cette petite sensation d’être tiré entre deux élans à la fois, celui du corps et celui de l’attention.
La fête est finie
Et puis il y a un autre détail qui est venu un peu gâcher la fête. Vers la fin du concert, Jay Kay se met à se tenir l’oreille, comme si on lui parlait dans l’oreillette. Quelques secondes plus tard, il demande : « Est-ce qu’il y en a parmi vous qui doivent prendre les transports pour rentrer ? » La régie rallume les lumières, et il précise qu’il va essayer d’accélérer pour éviter à certains de rester coincés.
Sur le moment, on pense à une formule de politesse qu’il répète peut-être chaque soir. Mais en sortant de la salle, une annonce confirme que les principales lignes de tramway sont arrêtées. Une bonne partie du public doit alors faire une longue marche pour rejoindre les bus relais mis en place. Rien de dramatique, mais cela casse un peu l’euphorie de fin de concert.
Cela dit, cette petite mésaventure n’a rien enlevé à la qualité du moment passé. On repart avec le sourire et l’envie très claire de les revoir, notamment le 27 novembre prochain à l’Accor Arena.
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