Bill Ryder-Jones : ‘Ma musique est maussade mais je suis résolument optimiste !’

Il a les musiciens de jazz des années 20 dans le cœur et manie habilement la musique pop mélancolique intemporelle. L’ancien guitariste des Coral mène bien sa barque en solitaire avec des albums conceptuels et profonds. Lors de son passage à Paris pour son concert au Point Éphémère, l’enfant du nord est revenu sur son parcours et ses liaisons fameuses, notamment avec Alex Turner des Arctic Monkeys.  

 

643996_450465591676797_1894108386_n   SOB : Votre dernier album, A Bad Wind Blows in my Heart, est très personnel. Pourquoi avez-vous choisi de faire un strip-tease émotionnel ?

Bill : Très belle formule ! C’est la musique que j’aime au fond de moi. A mes yeux, l’art doit être une connexion entre les gens. Et c’est ça que je voulais être, en tant qu’artiste, avoir cette honnêteté et essayer de mettre en place cette connexion. La musique a toujours été très importante pour moi ; en grandissant, j’ai toujours écouté les disques d’artistes dont je me sentais proche comme Leonard Cohen que j’ai beaucoup entendu ou même des choses plus différentes comme Pink Floyd, Lee Perry, Bob Marley, des choses écoutées jeune comme les Beatles, des choses grâce auxquelles on pouvait avoir un peu d’espoir dans la vie. Être artiste, c’est un moyen de ne pas devenir complètement fou. Les émotions ont été, toute ma vie, un danger permanent que je n’ai jamais su exprimer vraiment. En vieillissant, je me suis rendu compte que ça pouvait être très préjudiciable ou devenir de bonnes choses et exprimer ce que tu es. J’ai donc mis tout ça ensemble et ça fait mon nouvel album.

Votre album s’appelle « Bad Wind Blows in my heart », à l’écoute, submergé par la mélancolie grâce à votre grain de voix si particulier, c’est plutôt « Sad Wind Blows in my heart ». Comment l’avez vous enregistré ?

Toutes les voix, je les ai faites tout seul, assis (rires). Si ma voix plaît c’est tant mieux, je n’ai jamais voulu chanter à la base. J’ai mis un moment avant de comprendre que cette voix arrivait à transmettre des émotions et qu’elle avait une certaine résonnance pour les gens, les gens me parlent beaucoup de cette sensibilité vocale et c’est plutôt un compliment. C’est un disque triste, je le sais bien mais je l’ai réalisé avec une volonté d’espoir et d’optimisme, la musique a toujours dans ma vie le don d’effacer des sentiments douloureux. Alors que quand j’ai écrit ces chansons, je n’étais pas particulièrement déprimé, je n’écris pas vraiment de la musique… Quand je me sens bien, je prends ma guitare et je joue du Jimmy Hendrix ou je joue au foot. Je suis, il est vrai, plutôt maussade et il y a toujours une partie de moi qui ne pense pas à écrire des chansons tristes, je me sens sur le chemin de la positive attitude. Je veux que l’album sente l’espoir et que les gens soient émus par cette onde positive et je veux qu’ils se sentent mieux.

Il est très différent de votre premier album, « If … » qui était l’adaptation d’un livre ; à ce moment-là de votre vie, vous aviez besoin de vous cacher derrière quelque chose ?

C’était un peu le cas parce que c’était le premier album. D’une certaine façon, je me cachais mais il est aussi personnel. C’était un moment de ma vie assez compliqué où j’avais choisi d’exprimer par la musique ce que je ressentais, pour des raisons encore mystérieuses. Tu n’as pas toujours besoin de mots pour dire comment tu te sens, l’émotion est directement transposée en musique. A partir de là, je ne devais pas parler directement à quelqu’un mais, par le biais d’un roman.

Cet album sonne définitivement plus pop que le précédent, presque symphonique avec des arrangements de cordes, pourquoi avoir fait ce choix ?

Pour rendre une atmosphère intimiste. Toutes les émotions dont je parle dans ces chansons sont des souvenirs, je voulais que l’album soit enfantin et innocent. Cet album retrace mon parcours intériorisé d’enfant. Pour que cela sonne enfantin, il était impossible d’utiliser des cordes ou de gros arrangements. Jacques Brel ou Scott Walker pouvaient chanter une chanson ultra puissante avec des arrangements de folie car leur voix prenait le dessus sur la musique. Ce n’est pas le cas de ma voix, ni de mon caractère. Je voulais que les gens aient l’impression d’être dans ma chambre, c’est un album qui sonne minimaliste et je voulais cette proximité.  

C’était la même chose quand vous étiez dans the Coral ? Vous traîniez toujours avec une bande de potes, vous n’étiez jamais seul…

C’était un environnement dans lequel on se sentait en sécurité, il y  avait un esprit de « gang » qui n’appartenait qu’à nous, on était  » le groupe » et tous les autres n’étaient pas dans ce délire. Mais je ne réalisais pas cela à cette période, j’étais tellement jeune. Musicalement, j’ai toujours été conscient de mon courage, en jouant tout seul de la  guitare.

Vous avez quasiment grandi avec ce groupe que vous avez rejoint très jeune, comment cette influence se traduit-elle encore aujourd’hui ?

Ce groupe a été d’une telle influence ! Il m’a tout appris ! Quand tu es dans un groupe de tes 15 ans jusqu’à tes 21 ans, cela fait partie de ta vie. Et pendant ces années dans cette « communauté miniature », il y avait un rôle à jouer, cela pouvait être impressionnant et pas si facile de grandir avec. Musicalement, traîner avec ses gars et composer tous les jours ensemble était très important, nous avons découvert ensemble ce que nous aimions et ce en quoi nous étions bons. Je peux dire aujourd’hui que j’ai fait partie d’un groupe génial et que j’adorais cette musique. Ce n’est qu’un an avant de le quitter que j’ai réalisé que mon cœur était parti ailleurs et comme il est très important en tant qu’artiste d’être honnête, j’ai dû partir. The Coral était plus dans l’imagerie, un peu comme une bande originale de film.   IMG_3458RR copie   La musique est un lien entre les gens pour vous, alors le live est sans doute quelque chose que vous attendez car c’est le moment où vous percevez, au plus près,  les réactions des spectateurs ?

C’est une des choses qui m’a posé problème au début, le live. Je ne voulais plus jamais jouer en live. Je détestais cela. C’est étrange d’être sur scène, les gens paient pour venir te voir et tu dois te produire, c’est sympathique mais c’est étrange. Si quelqu’un ne trouve pas cela bizarre, c’est qu’il est lui-même bizarre ! Mais pour cet album, c’était tellement expérimental ! Comme j’ai écrit un album très personnel, il fallait montrer aux gens que j’y croyais et je ne pouvais pas le faire chez moi. Souvent, j’aime avoir des gens qui montent sur scène pendant les concerts et qui rient. J’adore faire des blagues sur scène, cela trompe les gens qui arrivaient en se disant : il a l’air déprimé.

Vous avez collaboré avec Alex Turner, pour son projet de The Last Shadow Puppets et la bande originale, Submarine, pourtant vous venez de deux scènes totalement différentes …

J’adore ces gars, ils sont géniaux, Alex est un brillant song writter, très talentueux. C’est un des meilleurs groupes du monde, leur dernier album est juste génial. Mais ils vivent à Los Angeles, je ne les vois pas trop et ils vivent dans un autre monde que moi… Je ne remplis pas encore de Zenith, pour l’instant, mais ça va, je ne suis pas fonctionnaire, je vis de ma musique. Si un jour, c’est à mon tour de remplir de grosses salles, tant mieux et si ce n’est jamais le cas, tant pis. Avec The Coral, on avait pas mal de succès, on entreprenait de longues tournées avec de grands concerts mais tout cela ne me manque pas, j’aime être ce personnage qui fait des concerts dans un petit club de Liverpool, ça correspond bien à ma personnalité…

© Matt Thomas

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