Liz Green : « Si un jour les gens pouvaient titrer : Liz Green a littéralement le blues… »

Entre rires et émerveillements, rencontre avec la fantasque et attachante Liz Green, dont le dernier opus, Haul Away!, vient de sortir.

Avec ses grands yeux bleus émerveillés et son sourire discret, Liz Green est la parfaite incarnation de sa poésie musicale avec ses deux albums « O, Devotion! » et « Haul Away! » et son talent à « emporter son amour ». La carrière de la musicienne du nord de l’Angleterre a de vrais airs de contes de fées, un peu azimutés.La rencontrer ressemble à un long voyage de Manchester à Liverpool en passant par Paris et surtout par son monde imaginaire à la Lewis Caroll, avec des noms comme The Who, Pulp, Max Ernst ou Bill Ryder-Jones. Le tout avec de bons rires assez éclatants. 

Liz Green 2629.Photo Credit -®Emily Dennison

Comment votre « aventure » a-t-elle commencé?
J’ai grandi tout près de Liverpool en écoutant les disques des Stones, des Who et des Beatles de mon père.Il m’a dispensé une bonne éducation musicale, ça m’a donné très vite envie de faire mes propres mixtapes maison. J’habite à Manchester depuis l’âge de 19 ans et c’est là où j’ai débuté la musique. Il y a une telle énergie dans cette ville ! J’ai commencé à fréquenter des musiciens, avant je connaissais des mélomanes mais pas vraiment de musiciens. Là je fus comme subjuguée et emportée par la musique.


Cette éducation musicale assez pop est tout de même assez éloignée de ce que vous faisiez?
Cela m’a fait vraiment aimer la musique, j’avais les bases (rires). Après, je me suis tournée vers quelque chose à moi, que j’allais aimer et ça a été la Brit pop avec Pulp. C’était aussi le début d’internet et des tchats, une nouvelle façon d’échanger nos goûts musicaux avec des challenges improbables. Je  me suis  nourrie  de découvertes vintage ou proches de mon univers comme Bright Eyes ou Damian Jurado influencées par Johnny Cash ou Dolly Parton. A l’époque, j’achetais des albums pas chers avec une pochette géniale (rires) comme Bliss. Cela a vraiment bouleversé mon existence, et m’a réveillée d’un coup. J’étais vraiment hypnotisée par leur musique quand je suis arrivée à Manchester. Tout ce que j’avais écouté alors était un peu « compliqué », je ne pensais pas être capable de faire toute ce mixage, cette composition. Parfois, il faut juste taper des mains, une guitare, chanter et… ça fait une chanson. Là, je me sentais autorisée à faire de la musique simple mais poignante. Et puis j’avais déjà une guitare, une guitare offerte par mon père à Noël sans que je montre le moindre intérêt avant, (rires) je l’ai emportée avec moi à Manchester. Je me suis aidée d’un vidéo-manuel pour apprendre la guitare avec un américain qui devait s’appelait Bob, et disait « voilà comment on fait un E, G ». C’était une bonne façon d’apprendre!

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Comment avez-vous débuté la composition pour votre premier album « O, Devition! », album « magique » selon Le Guardian?
Il y avait pas mal de choses dessus, ma voix n’est pas typiquement celle d’une chanteuse de jazz mais j’aime les cuivres du coup, j’adorerais avoir un groupe de cuivres, je disais : mettons des cuivres là. (rires) Je ne voulais pas livrer la musique qu’on a l’habitude d’entendre, j’ai énormément d’influence blues. Pour le deuxième album, je voulais être plus moi-même, entourée de musiciens. Le premier, il fallait poser les bases. Car ce n’était pas seulement mon premier album, c’étaient aussi mes premières chansons. C’est très bien de grandir un peu, le genre n’est pas si différent, après tout, je n’ai pas commencé à faire du hip hop ! C’est juste un peu plus moi !


Pourquoi avoir choisi ce nom d’album assez énigmatique?
(Elle hurle) « Haul Away ! » C’est une référence ancestrale à la navigation. « Nous allons trouver des terres nouvelles! En route! » J’aime cette image car il y a pas mal de voyages maritimes dans l’album! J’ai grandi en bord de mer, cela me manquait en un sens (rires) quand je reviens voir ma famille à côté de Liverpool, je me fais toujours la remarque : c’est génial de vivre à deux pas de la mer ! Quand j’étais petite j’aimais le soir admirer le magnifique coucher de soleil sur la mer et au loin des baleines et trois petites îles à leurs côtés. Le titre donne aussi envie de partir quelque part, de trouver un ailleurs! Comme si on embarquait dans un bateau avec tous les auditeurs explorer des terres inconnues ! C’est un album bleu, j’adorerais qu’on titre un jour : « Liz Green a littéralement le blues ». Pour l’instant personne ne l’a fait, je suis très déçue (rires). C’est le titre d’une de mes chansons préférées, peut-être parce que c’est une des chansons les plus complexes à jouer. Je ne suis pas la meilleure pianiste au monde mais je tenais à jouer moi-même du piano avec le groupe et franchement ça va! (rires) C’est aussi la chanson qui a inspiré la pochette.

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Justement la pochette est également énigmatique, comment vous est-il venu cette idée?
C’est un peu Alice au pays des Merveilles, ce moment où elle doit manger des biscuits et devient subitement minuscule et vogue sur ses larmes. C’était l’inspiration de base. Mais l’image s’ est imposée à moi d’un coup. J’ai appelé mon amie photographe Emily Dennison qui comprend très bien mon univers comme mon producteur d’ailleurs. Du coup Ruth qui est  » body painteuse » est venue finaliser le projet et surtout sublimer l’ affreux dessin que j’avais ébauché pour l’occasion. C’était un miracle de donner vie à tout cela! Il y a un côté tragique, bande-dessinée et un peu clownesque. Pour le premier, j’ai refusé de mettre ma tête sur la pochette, j’ai même dit: « Jamais je ne mettrai ma tête sur la pochette d’un album. » Et là pour celui-ci je suis arrivée en studio et j’ai annoncé: « Je voudrais mettre ma tête sur la pochette ». Les gens étaient médusés. Dans l’album il y a beaucoup d’îles et de gens perturbés par la distance qui les sépare. C’est une façon de les faire communiquer, j’espère la meilleure !


Dans La vidéo Where the river don’t flow aussi il y a une atmosphère particulière comme dans Vincent de Tim Burton…
Je n’avais pas d’idée particulière pour le clip. J’ai juste choisi Joseph Brutt le réalisateur de Bad Medecine pour mon premier album, j’avais adoré la façon dont il bosse, sa façon de sentir la musique, il s’inspire pleinement des paroles. Quand il m’a dit qu’il était intéressé pour retravailler avec moi je me suis exclamée : « C’est parfait ! » Le début c’est plus ou moins un réveil funeste. Après cette mélancolie, la musique prend le relais, les héros se demandent ce qu’ils ont laissé – les regrets d’un vieux chanteur ! Je ne voulais pas tourner dans le clip car mon visage traduit des expressions assez horribles (rires). J’adore du coup que la vidéo soit animée. Un jour peut-être je tournerai dans un de mes clips, ça sera comme pour la pochette! (rires) Le second clip Rybka est un peu différent, il est magnifique aussi, la réalisatrice Isobel Smith y a mis pas mal de mes influences surréalistes notamment: Man Ray, Max Ernst… pour la marionnette d’homme triste.


L’album a été réalisé par Liam Watson de Toe Rag qui a produit l’album Elephant des White Stripes. Comment  la collaboration avec lui s’ est -elle passée ?
Il est énormément talentueux! On enregistrait dans le studio et il arrivait à nous faire faire des choses sans qu’on réalise qu’on était en train de les faire, c’est le travail de tous les grands producteurs. S’il voyait qu’on avait du mal à jouer, il disait : « Oh mais c’est l’heure du goûter, allons prendre une tasse de thé! » Ou alors ils nous disait après une prise : « Viens un peu, écoute comme c’est bon! » et à l’audition on se rendait compte que c’était ignoble! En écoutant l’album je pense souvent  : ce groupe sait ce qu’il joue! (rires) Alors Merci Liam ! Il essayait de capturer le sentiment du live. J’ai eu du mal à trouver quelqu’un qui comprendrait cela, cette façon dont j’imaginais l’album dans ma tête. Il faut avoir pas mal d’intuition pour exercer ce genre de boulot. Et son studio a une telle acoustique ! J’adore son ambiance et y enregistrer!


Le disque est très piano-voix, pourtant sur scène, vous jouez avec une vraie formation, pourquoi ?
Sur scène, je suis avec 4 musiciens. C’est un peu différent de l’album. C’est très bien en France car il y a un … public (rires). En Angleterre, il y a trop de concerts!  C’est difficile d’être programmé, mais ça dépend des coins, à Londres ou Manchester c’est très cool. En France, les gens sont vraiment super! Ce que j’aime aussi c’est le repas avant le concert, tout le monde se retrouve et partage un moment à table avant de monter sur scène. C’est adorable! Tu as vraiment l’impression de se soucier des autres en buvant un verre ensemble. A Londres, après le concert, tu te presses pour prendre le dernier métro (rires). Et puis la nourriture est excellente ici, ils sont parfois trop généreux avec nous, il faut faire attention de ne pas avoir de problème de digestion sur scène ! (rires). J’adore les tournées, rencontrer les gens, les faire rire ou les émouvoir, comme ils disent dans les comédies musicales « Make them laught » (elle commence à chanter la chanson de Singing in the Rain). La vie serait bien plus agréable si elle était chantée et dansée (rires).

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Vous avez fait le festival Glastonbury, vous avez encore des rêves?
Houlà j’ai joué dans des tas d’endroits, c’est vrai! Souvent on me demande: vous venez de Manchester, vous avez dû avoir des tas d’amis musiciens. Des tas oui, mais de connus… point (rires). C’est vrai que je n’ai jamais rencontré de « people » depuis que j’ai commencé à chanter. Avant… (elle réfléchit) avant oui, je travaillais dans une librairie à Manchester et un jour David Bowie est venu à la boutique, j’étais tellement impressionnée (elle fait des gestes brusques). Je n’ai pas osé lui dire que c’était mon idole, aujourd’hui j’oserais peut-être mais j’étais si jeune à l’époque! Il a été adorable, on a parlé littérature pendant un petit moment, c’était charmant! Maintenant, le premier disque m’a permis d’en faire un second et de tourner avec. Les gens achètent cet album, quand je vais chez les disquaires et que je vois mon oeuvre en bac, c’est formidable! Je fais enfin ce que je veux, même si je ne rencontre pas de célébrités ! (rires) Quand j’étais enfant, je ne pensais pas que tout cela arriverait ni même pourrait arriver…


Dans vos références, vous citez souvent Bill Ryder-Jones, il vient de chez vous?
Oh ! oui ! Les Coral (ndlr l’ancien groupe de Bill Ryder-Jones) ont grandi près de chez moi! J’adore son premier album If, une bande-originale, c’est formidable une musique planante comme ça, je la lconseille à tous ceux que je croise! C’est le genre d’influence que j’ai eue de façon inconsciente. Car la pop sans paroles doit pouvoir autant émouvoir que la pop avec des paroles. C’est aussi un artiste qui fait entendre la mer dans ses chansons. (rires) C’est normal, la pochette de son dernier album a été prise dans mon village d’enfance. (sourires) Le monde est petit ! 

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