Coldplay – A Head Full of Dreams

Le groupe anglais signe son 7e album studio, A Head Full of Dreams, peut-être son plus éclectique à défaut d’être complet. A-t-on vraiment perdu Coldplay ?

 

« Coldplay n’a jamais autant aimé faire un album que celui-ci. Et n’a jamais été heureux du résultat« , nous dit-on. La question est : est-ce réciproque ? Est-on aussi heureux du résultat que ne l’est Coldplay ? A Head Full of Dreams, 7e opus studio de Coldplay débarquant juste après le dépressif (et mauvais) Ghost Stories, s’impose comme un condensé de ce que Coldplay a pu faire à travers son existence, de ses mélodies enchanteresses et fédératrices (Everglow, Up&Up) à ses penchants les plus pop et colorées (A Head Full of Dreams, Adventure of a Lifetime). Inutile de pleurer Parachutes – comme il est inutile de pleure Showbiz pour Muse – Coldplay ne reviendra pas à ce qui a propulsé le groupe dans les charts au début des années 2000. En revanche, ils se réapproprient et réinventent un style parfois contestable mais indéniablement fédérant.
Au fil du temps, on aurait eu tendance à dire que Coldplay s’est fortement américanisé – pour éviter de dire évolué – en signant des titres influencés par les nouvelles fréquentations d’un Chris Martin qui n’a pourtant pas oublié d’où il a tiré son succès. La beauté – ou l’intérêt, c’est selon – de A Head Full of Dreams se tient dans ce mince équilibre : savoir plaire à un nouveau public, tout en gratifiant les fans de la première heure d’un son qui leur est familier. A ce petit jeu, on doit l’avouer, Chris Martin est un sacré génie. Qui aurait cru que l’auteur de Yellow se paierait un duo avec Beyoncé sur Hymn of a Week, un titre qui, sorti de son contexte, s’apprécie comme un beau morceau pop à l’ivresse certaine ?

 

L’album débute par A Head Full of Dreams, titre qui place l’auditeur dans le vif du sujet. Ode optimiste, invitation au rêve, ce morceau est sans aucun doute un parfait mélange de ce Coldplay a pu faire de mieux en terme de « pop à ondes radio », des paroles qui ne volent pas bien haut (ce qui n’a jamais été le fort de Martin) tout en servant un son et un style fédérateurs. Après ce premier essai convaincant, Birds débute presque à la manière d’un tube des Cure – comme A Head Full of Dreams sonnait Nile Rodgers avant de virer U2 par ses sonorités de guitare – et on en ressort un refrain qui ravive quelque chose du passé, ce petit quelque chose « coldplay-ien ».

 
Coldplay au Casino de Paris, Paris, le 28 mai 2014

 

Après la parenthèse Beyoncé – qui soit dit en passant s’avère bien meilleure que celle de Rihanna avec Princess of China dans Mylo Xyloto – Coldplay joue la carte de la rupture en livrant Everglow, titre au piano où Chris Martin a invité son ex-femme Gwyneth Paltrow en signant une déclaration d’amour à sa famille dans une sorte de The Scientist franchement émouvant. Le morceau se pose aussi comme un point final au chapitre Ghost Stories, avec la symbolique du deuil terminé et d’un horizon qui s’ouvre enfin à son auteur. Quoi de mieux alors que d’embrayer sur Adventure of a Lifetime, un single disco abrutissant où Chris Martin se dit « vivant à nouveau » et où la guitare de Jon Buckland se fait l’écho d’une rythmique forcément entêtante et festive.

 

 

Si au premier abord, A Head Full of Dreams apparaît comme un patchwork un peu gauche de ce que Chris Martin aurait toujours voulu inclure dans un album, il y a plus de cohérence qu’on ne voudrait bien le croire. De cet album, que l’on pourrait également voir comme à l’image de ses producteurs – d’un côté le partenaire historique du groupe Rik Simpson, de l’autre le duo norvégien Stargate – on en tire un soupçon de grâce et une intelligence indéniable. On ne voit pas de suite ce que Kaleidoscope (où  Coleman Barks lit un poème de Mewlana Jalaluddin Rumi avant que l’on entende Barack Obama chanter Amazing Grace aux funérailles d’une victime de la tuerie de Charleston) ou bien Army of One (double-titre où le Coldplay moderne se fait tantôt mélodieux puis hip hop, avec la présence d’une hidden track X Marks the Spot bercé par les beats Swimming Pools de Kendrick Lamar) recèlent de merveilleux. Et pourtant…

De ces morceaux aussi déstabilisants qu’ingénieux, on peut verser à des titres plus simples comme l’opportuniste Fun (en duo avec Tove Lo) ou cet Amazing Day où Chris Martin nous fait profiter de sa voix sur une mélodie grandiloquente (notamment ce pont qui cherche à tout-prix à vous arracher au moins une larme). Mais ce type de constructions, Coldplay les avait déjà expérimenté, notamment avec Politik ou In My Place. Et si Amazing Day ne fait à priori pas le poids face à ce combo tiré du génial A Rush of Blood To The Head, il a le mérite de montrer que Coldplay ne s’est pas totalement perdu en lorgnant vers le neuf et le renouveau musical entamé en 2008 avec Viva la Vida or Death and All His Friends.

 

 

A Head Full of Dreams se referme symboliquement par Up&Up, tube en puissance qui résume parfaitement ce qui vient d’être dit. Chris Martin y réunit quelques invités de luxe, entre les choeurs où on retrouve son actuelle girlfriend Annabelle Wallis, ses enfants Apple et Moses mais aussi Blue Ivy (la fille de Beyoncé), et un Noel Gallagher à la guitare qui nous revisiterait presque son riff dans Champagne Supernova pour l’offrir à l’un des rares groupes sur lequel il n’a pas chié dessus – pourtant, face à Foals ou Radiohead, une rincée de bons compliments émanant du plus beau troll du rock anglais à propos de Coldplay n’aurait pas été déplacée. Au micro, l’omniprésent Chris Martin finira par conclure d’un « n’abandonnez jamais » qui, on l’avoue, redonne un peu la pêche en ces temps moroses. Un peu comme l’album, en fait.

 

Tracklisting :

1. A Head Full Of Dreams
2. Birds
3. Hymn For The Weekend
4. Everglow
5. Adventure Of A Lifetime
6. Fun
7. Kaleidoscope
8. Army Of One
9. Amazing Day
10. Colour Spectrum
11. Up&Up

Nos morceaux préférés : Everglow, Up&Up, Army of One, A Head Full of Dreams

 

LA NOTE : 7/10

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