30 Mai Ces producteurs qui ont marqué l’Histoire : James Guthrie
Dans cette série d’articles, nous revenons sur le parcours de dix producteurs britanniques qui ont marqué l’histoire.
Qu’est-ce qu’un producteur de musique ? Contrairement au cinéma, le rôle d’un producteur n’est pas de financer un enregistrement, il intervient dans la conception de celui-ci. Son intervention est diverse et varie en fonction des producteurs et des artistes. Leur mission est de faire en sorte que les morceaux, EP et albums enregistrés soient les meilleurs possibles. Pour cela ils peuvent guider les musiciens, proposer des arrangements ou des nouvelles méthodes d’enregistrements, etc. Ce qui les intéresse est que le produit fini soit beau et cohérent. Aujourd’hui nous James Guthrie rejoint la liste composée de George Martin, Gus Dudgeon, Roy Thomas Baker, Nigel Godrich, Brian Eno et John Fryer.
Les débuts
James Guthrie entre dans le monde de la production avec un stage à 19 ans en tant qu’assistant ingénieur son. Il évolue ensuite à différents postes dans différents studios, comme les Mayfair où il a commencé, Utopia ou encore Audio International. Il travaille sur de nombreux disques et avoue n’avoir pris que deux jours de congés lors de sa première année d’activité. Du pop rock des Bay City Rollers, au glam rock d’Alvin Stardust, en passant par le funk d’Heatwave, Guthrie travaille sur de nombreux styles de musique. Il produit son premier morceau en 1976, à 22 ans, avec la B-Side The Jazz Pianist d’Arlan Greene. Son travail est si bon, qu’à peine cinq ans après sa première expérience, Steve O’Rourke demande à le rencontrer. Le groupe qu’il manage souhaite faire un concept album et Guthrie semble être la meilleure personne pour le produire.
The Wall
James Guthrie se retrouve donc à produire The Wall, le onzième album de Pink Floyd. Il s’occupera aussi de mixer tous les morceaux (manuellement), il créé alors ces magnifiques segue (lorsque les morceaux se s’enchaînent sans pause). Cela donne l’impression que cette œuvre est insécable. Agé de vingt-cinq ans, Guthrie n’était même pas deux fois plus vieux que la carrière du groupe qui avait commencé treize ans plus tôt. Néanmoins, cela ne l’a pas impressionné. Plein de créativité, il était prêt à s’attaquer à cette œuvre désormais majeure dans la discographie du groupe et dans l’Histoire de la musique contemporaine.
L’enregistrement
Le groupe s’appuyait des démos réalisées par Roger Waters, bassiste et chanteur du quatuor. Ensuite, James Guthrie enregistrait les pistes de chaque instrument une par une. Les chansons se construisait donc au fur à mesure en partant de presque rien. De dix heures à dix-huit heures il travaillait avec Waters et David Gilmour (guitariste et chanteur). Ensuite, de dix-neuf heures à une heure du matin, il était avec Richard Wright, le claviériste. Lorsqu’il enregistrait la batterie, il était avec Nick Mason en journée. Le soir il choisissait les meilleures performances, les éditait et les proposait le lendemain.
Une production créative
Pink Floyd est l’un des groupes les plus créatif de ce siècle. Ainsi, en studio, les membres aimaient explorer des pistes créatives, peu importe le temps que cela prenait, même si ça n’intégrait pas l’album par la suite. Cela permit à Guthrie de faire de même et de trouver ce qui manquait au morceau. Dans Young Lust, il a eu l’idée de passer un appel en PCV pour joindre son voisin. Il s’est mit dans une salle insonorisée et a dit à l’opératrice qu’il était M. Floyd et qu’il cherchait à joindre sa femme. A son voisin il avait donné les instructions suivantes : dire « allô » et raccrocher dès que l’opératrice a terminé de parler. Cette dernière n’était pas au courant de ce qu’il passait, sa confusion sur le morceau est donc réelle.
Ce n’est pas la seule fois où Guthrie a utiliser un téléphone. En effet, la piste où était le crie qui lie Happiest Days à Another Brick In The Wall Part.2 avait disparu. Le producteur s’en est rendu compte seulement au moment où il voulait faire un premier mix. Il appelle donc Roger Waters et lui demande de le faire par téléphone, pensant le ré-engistrer plus tard. Finalement, cette version est celle qui figure sur l’album. Puis bien sûr, il y a de nombreux éléments non instrumentaux dans The Wall : des atterrissages, des passages télévisuels ou des destructions de télévisions.
Quant aux instruments, Guthrie appréciait les enregistrer à différents endroits, en fonction de l’ambiance que les lieux pouvaient offrir. La batterie d’In The Flesh l’a été dans une salle de jeu et certaines parties de l’album dans un bunker près de la piscine du studio Super Bear. L’acoustique, l’ambiance et la réverbération naturelle sont différentes et offre une autre matière à travailler. D’ailleurs, la réverbération dans One Of My Turn montre à quel point Guthrie faisait attention au détail. En effet, en fonction des salles ou la femme est censée être, l’écho diffère, la salle de bain étant celle où il est le plus remarquable.
Pink Floyd après The Wall
James Guthrie produira aussi The Final Cut, le douzième album de Pink Floyd. Il continuera d’être très impliqué dans le travail de console pour le groupe puisqu’il sera souvent au mixage ou au mastering, même des rééditions anniversaires ou autres compilations. Il en est de même pour les projets solos de David Gilmour et Roger Waters, prouvant la confiance qu’ils lui accordent et la reconnaissance qu’ils lui portent.
La production selon Guthrie
Pour James Guthrie, la clef pour être un bon producteur est d’écouter et de faire confiance à ses oreilles. Son objectif, lorsqu’il travaille est de créer une œuvre qui va le transporter et l’emmener en voyage. Il a réussi avec brio avec The Wall. Encore maintenant, avec les avancées technologiques, Guthrie aime créer les sons lui-même, plutôt qu’avec un synthétiseur. Cela permet de travailler sa créativité que de chercher comment retranscrire le son qu’il entend dans sa tête. Bien qu’il se fasse discret ces dernières années, Guthrie a aussi travaillé avec Kate Bush, Toto, ou encore Juda Priest, diversifiant encore plus sa carrière.
Pierre
Posted at 14:50h, 30 maiPuisque vous évoquez Kate Bush à travers le travail de James Guthrie (qui l’a seulement aidée à la remasterisation de son catalogue, projet qu’elle a supervisé comme le reste de son oeuvre), peut-être serait-il opportun de consacrer un article à cette grande artiste anglaise qui produit elle-même son travail depuis son 3e album (elle n’avait que 22 ans!), de même qu’elle réalise bon nombre de ses clips depuis 1985. Pour l’instant, seuls des hommes ont fait l’objet de votre série sur les producteurs. Certes, Kate Bush n’a oeuvré que pour sa propre discographie, mais son talent de productrice est suffisamment admiré par ses pairs (Björk ou Big Boi d’Outkast par exemple…) et ses albums « The Dreaming » et « Hounds of Love », en particulier, sont une carte de visite éloquente en matière de production justifiant à eux seuls sa présence dans cette série de chroniques. Et ce n’est pas une suffragette féministe qui se permet d’intervenir, mais un grand admirateur du génial travail de celle qu’on nomme « la sorcière du son ».
Diane Simeon
Posted at 15:13h, 30 maiBonjour Pierre,
Tout à fait, Guthrie n’a jamais produit pour Kate Bush, c’est pour cela que son est seulement mentionné et en fin d’article. Néanmoins, votre remarque est extrêmement pertinente, et l’aurait été même si vous étiez une suffragette féministe. Les articles ne concernent, en effet, que des hommes pour l’instant et c’est la tendance qui se dessine aussi pour les trois suivants. Cela me désole tout autant que vous et un autre article est en préparation justement pour exposer cela. Je n’avais pas pensé à y intégrer Kate Bush, merci de m’avoir rappelé le talent et le travail de cette artiste.