21 Juin Où sont les productrices qui ont marqué l’Histoire ?
Lors d’une série d’articles nous sommes revenus sur la carrière de dix producteurs. Il n’y avait aucune femme parmi eux, comment cela se fait-il ?
George Martin, Gus Dudgeon, Roy Thomas Baker, Nigel Godrich, John Fryer, James Guthrie, Ken Scott, Martin Hannett, Stephen Street. Voici la liste des producteurs que nous avons évoqués lors des articles précédents. Dix hommes. Pourquoi n’y a-t-il aucune femme dans cette liste ?
Des productrices, il y en a encore très peu. Seulement six pour cent de ce corps de métier est composé de femmes et il est fort probable que ce pourcentage était plus bas les décennies précédentes. Statiquement, il y a plus de chance qu’un « grand » producteur soit un homme. Par ailleurs, comme pour beaucoup de milieux où les hommes sont sur-représentés, il faut redoubler d’efforts pour pouvoir être reconnue. Parmi les producteurs que nous avons cités, on a donné une chance très tôt à beaucoup d’entre eux. Cela leur a permis d’apprendre jeune et de développer leurs compétences. S’il y a peu d’histoires similaires avec les femmes, c’est peut-être parce qu’on ne leur donnait pas les mêmes opportunités. Heureusement, il existe quand même des femmes productrices et nous allons en présenter quelques-unes.
Kate Bush
Kate Bush est surtout connue en tant que musicienne. Elle a commencé la musique très tôt, en écrivant plus d’une centaine de chanson dans son enfance. En 1978, elle sort Wuthering Heights et bouleverse le monde la pop. A vingt ans, Kate Bush avait déjà une vision précise et originale de ce qu’elle souhaitait accomplir avec sa musique. Elle n’a cessé d’influencer le monde de la musique depuis. C’est une artiste phare de la musique britannique contemporaine, à tel point qu’elle a été nommée commandeur de l’ordre de l’Empire britannique.
Mais Kate Bush est aussi une productrice. Elle est seule à la production de tous ses albums depuis 1982. En plus de la composition et de l’interprétation, elle a rapidement fini de prendre le contrôle de son son. Ainsi, elle n’a cessé d’étoffer et modeler son univers qui inspirent encore de nombreux artistes. Sa carrière a fortement impacté l’histoire de la musique britannique contemporaine. Néanmoins, dans notre série d’articles, nous avons fait le choix de ne pas parler des artistes producteurs de leur propre discographie (sauf pour une partie des productions de Brian Eno).
Julie McLarnon
Julie McLarnon, a commencé comme beaucoup d’autres producteurs et productrices. Nées de parents musiciens, elle s’est très tôt intéressée aux sons. A quatorze ans elle créait des pédales à effets et enregistrait sur des cassettes à quatre pistes. A seize ans, elle suit une formation sur les techniques d’enregistrement et à dix-huit ans elle entre aux Strawberry Studios, où sont passés Les Smiths, Martin Hannett et Joy Division. Dans les années 2000 elle monte son propre studio : Analogue Catalogue. Elle ne produit qu’en analogique avec des bandes à vingt-quatre pistes.
Imogen Heap
Imogen Heap est une passionnée du son. Elle a produit ses deux derniers albums en portant une attention particulière sur comment le modeler. Son dernier album s’appuie par exemple sur des moments de la vie courante enregistrés par des fans. Elle se concentre sur les techniques de spatialisation sonore créant un large univers à explorer. Travailler avec le son et le modifier est quelque chose qui lui tient tellement à cœur, qu’elle le fait même en concert, avec un dispositif impressionnant qu’elle a inventé avec son équipe.
Lauren Christy
Lauren Christy est entrée dans l’industrie en tant que musicienne. EMI lui propose un contrat et dès ses premières démos on lui disait qu’il y avait quelque chose de « cool et un peu magique » sur ses enregistrements. Elle était très était très impliquée dans la production de ses chansons, à tel point que lassée, elle décide de quitter le devant de la scène pour passer en production. Elle a formé avec Graham Edwards et Scott Spock le trio The Matrix. Ensemble ils montent une équipe de production et la première artiste avec qui ils travaillent fut Christina Aguilera pour sa chanson This Year. Le trio a été nommé sept fois aux Grammy et a vendu plus de 35 millions de disque. The Matrix a une carrière éclectique puisqu’il a notamment produit le premier album d’Avril Lavigne, ainsi que des chansons pour Britney Spears, Shakira ou encore Korn.
Les artistes
Enfin, il est important de revenir sur les musiciens évoqués lors de notre série d’article. Seulement deux groupes avaient une femme comme membre : les Cocteau Twins et les Cranberries. Pourtant, les femmes dans la musique britannique ne manquent pas : Bonnie Tyler, Annie Lennox, les Spice Girls, Amy Winehouse, The Nolans, etc. Elles ont toutes une place importante dans l’histoire de la musique.
Pourquoi ne pas en avoir parlé alors ? C’est un biais sociétal, sectoriel et personnel. L’industrie de la musique est dirigée et façonnée par les hommes. Aux Etats-Unis, seulement 15% des labels sont dirigés par des femmes. On peut étendre cette statistique au Royaume-Uni, car l’année dernière, parmi tous les labels d’Universal, Sony et Warner, seulement deux étaient dirigés par une femme : Rebecca Allen chez Decca et Jo Charrington chez Capitol. Lauren Christy rappelle qu’à ses débuts l’état d’esprit était : « On te trouve un contrat, tu vas travailler avec un homme à la production qui va rendre ton son extraordinaire ».
La majorité des groupes et des sonorités mises en avant le sont par des hommes. Cela influence donc nos goûts, et les miens, pour parler à la première personne. Si l’on s’éloigne de la musique actuelle, face au nombre d’hommes musiciens que je considère comme des acteurs principaux de l’histoire de la musique, il y a très peu de femmes. Mon impression est qu’il en est de même pour la plupart des personnes et des journalistes. L’Histoire a mis les femmes de côté et il faut faire des recherches plus ou moins importantes recherches pour trouver les femmes. Par exemple, très peu de personnes connaissent The Liverbirds, l’un des premiers groupes de rock’n’roll entièrement féminin. Pour en savoir plus sur la sous-représentation des femmes musiciennes, vous pouvez lire notre édito sur le sujet.
Pierre
Posted at 19:52h, 21 juinMerci Diane pour avoir tenu compte de ma suggestion concernant Kate Bush lors de l’article consacré à James Guthrie. Il m’avait paru important de ne pas occulter le mérite de certaines femmes d’exception dont on ne parle, hélas, pas assez (ce qui n’est pas le cas de sound of brit). Dans le cas de Kate Bush, beaucoup d’artistes vantent ses qualités, non seulement d’artiste, mais aussi de technicienne. Certains magazines spécialisés lui ont consacré de grands articles, voire des couvertures dès les années 80, notamment lors de la sortie de « The Dreaming », album pionnier, encore aujourd’hui. Merci d’évoquer aussi Imogen Heap, artiste, elle aussi, intéressante. Bravo pour ce site à toute l’équipe!