Martin Hannett

Ces producteurs qui ont marqué l’Histoire : Martin Hannett

Dans cette série d’articles, nous revenons sur le parcours de dix producteurs britanniques qui ont marqué l’histoire.

Qu’est-ce qu’un producteur de musique ? Contrairement au cinéma, le rôle d’un producteur n’est pas de financer un enregistrement, il intervient dans la conception de celui-ci. Son intervention est diverse et varie en fonction des producteurs et des artistes. Leur mission est de faire en sorte que les morceaux, EP et albums enregistrés soient les meilleurs possibles. Pour cela ils peuvent guider les musiciens, proposer des arrangements ou des nouvelles méthodes d’enregistrements, etc. Ce qui les intéresse est que le produit fini soit beau et cohérent. Aujourd’hui, nous explorons l’univers mystérieux de Martin Hannett. Précédemment nous avons écrit sur George Martin, Gus Dudgeon, Roy Thomas Baker, Nigel Godrich, Brian Eno, John Fryer, James Guthrie et Ken Scott.

Un producteur chimiste

Après ses études en chimie, le premier métier de Martin Hannett fut dans un laboratoire. Néanmoins, il était aussi passionné de musique, notamment de la scène mancunienne, sa ville natale. Il jouait de la basse dans un groupe, s’improvisait parfois roadie, et dépensait une large partie de son salaire dans des enceintes et chaînes hi-fi pour optimiser ses écoutes. Si bien, qu’il finit par quitter son travail pour entrer dans le monde de la production. Il produit alors l’album éponyme de Belt & Braces Roadshow Band puis le premier EP de Buzzcock, Spiral Scratch.

En 1979, il travaille avec le groupe Joy Division pour leur premier album Unknown Pleasures. Hannett est celui qui aidera le quatuor à définir leur son si particulier et reconnaissable. A cette époque venait de sortir le premier délai digital contrôlé par micro-processeurs. Cela permet de mieux maîtriser la réverbération, ce qui aujourd’hui a été remplacé par des plug-ins sur différents logiciels. Hannett était passionné par cette possibilité d’explorer des territoires qui lui étaient encore inconnus. Le groupe possédant en plus un synthé et une des premières batteries électriques, Hannett avait de la matière pour expérimenter.

Mais il ne trouvait pas des idées uniquement dans le digital. Ainsi, au début d’Insight, il enregistre l’ascenseur des Strawberry Studios. Dans I Remember Nothing, les bris de glace entendus sont un enregistrement de Rob Gretton, le manager de Joy Division, détruisant des bouteilles de lait avec un faux pistolet. Enfin, le charleston de She’s Lost Control est un mélange entre la batterie électronique et un aérosol « joué » en rythme par Morris.

Un plaisir personnel

Pour Hannett, les artistes offraient une matière précieuse avec laquelle il pouvait créer de nouvelles sonorités. Les son et le mix étaient sa partie, les musiciens et musiciennes se contentaient d’écrire et jouer. Morris explique d’ailleurs que dans le studio « tu travaillais pour Martin ». Peter Hook, le bassiste ajoute : « Si l’on disait quoi que ce soit, comme « Je trouve que la guitare est un peu discrète », Martin s’écriait « Oh mon Dieu ! Pourquoi tu ne vas pas te faire voir » (n.d.l.r : la citation originale est un peu plus vulgaire).

Il s’enfermait ensuite seul dans le studio pour le mixage. Ne voulant aucun avis en plus du sien, il gardait la pièce très froide, afin que personne ne veuille – ou ne puisse – rester avec lui. C’est là que la vision d’Hannett prenait vie. Pour lui, le délai et la réverbération était des cadeaux pour l’imagination, des petits éléments pour attirer l’attention. Les effets digitaux lui permettaient d’intégrer autant de saveurs qu’il pouvait inventer. Le producteur a réussi à intégrer une notion d’espace dans le premier album du quatuor. Il a ajouté de rapides délais sur la batterie, fait ricocher la caisse claire, place le délai d’un instrument sur un côté opposé du mix. C’est sans doute grâce à Hannett qu’Unknown Pleasures est un album qui a traversé les âges.

Un producteur contesté

Pourtant, l’album n’était pas au goût de tous. Bernard Sumner, le guitariste-claviériste, et Peter Hook n’ont pas du tout apprécié la version finale de l’album. En effet, en concert, Joy Division était très énergique et les deux membres souhaitaient un album qui donne une franche claque aux auditeurs. Ian Curtis et Stephen Morris, quant à eux, étaient satisfaits. Sumner et Hook n’étaient pas les seuls à ne pas aimer le travail de Hannett sur leurs créations. Outre Joy Divison, le producteur a travaillé avec The Durutti Column et Orchestral Manœuvres In The Dark, entre autres, qui ont aussi détesté son travail. Malgré cela, sous New Order, Sumner, Hook et Morris sont retournés vers lui pour son premier album.

Le mystère Hannett

Martin Hannett semble avoir été un producteur rempli de mystères qui ont fait sa réputation. Il est connu pour avoir du mal à communiquer ses idées, demandant parfois aux musiciens de jouer « un peu plus jaune ». Lorsqu’il a enregistré le single 11 o’clock Tick Tock pour U2, il a remis toutes les composantes à zéro sur la table de mixage, pour éviter que les ingénieurs les voient. Les Stones Roses se souviennent qu’il avait placé les touches de la table de mixage en forme d’arc de cercle et refusait qu’on y touche. Il appelait cela « le son courbé de Martin Hannett ».

Beaucoup d’anecdotes et de légendes existent autour d’Hannett. Comme le fait qu’il aurait fait jouer Morris sur le toit du studio, qu’il aurait enregistré chacune de ses percussions séparément ou qu’il écoutait les mix en s’asseyant sous la table de mixage. Il faut noter que le Mancunien consommait beaucoup de drogues. Il a notamment développé une addiction à l’héroïne, ce qui peut, l’avoir rendu un peu inaccessible. Pauline Murray résume son expérience avec lui en notant qu’il avait sa vision dans sa tête, qu’il réécoutait peu les enregistrements et qu’il était « un gars étrange mais on travaille vraiment bien avec lui ». Martin Hannett est décédé à quarante-deux ans en 1991 d’une insuffisance cardiaque.

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