06 Août INTERVIEW – Daniel Avery parle de son prochain album, de la France et de son amour du rock
A l’occasion de sa venue à Marseille pour une date au Baou, Daniel Avery nous a accordé de son temps pour répondre à quelques questions. Discussions sur son nouvel album « Ultra Truth » (4 novembre), son amour pour la France, l’influence du rock sur sa musique… L’Anglais a accepté de répondre à toutes nos questions avec beaucoup de gentillesse.
Sound of Brit : Tout d’abord, bienvenue à Marseille !
Daniel Avery : Merci, thank you!
SOB : Tu es déjà venu ici, notamment pour le festival Le Bon Air ; as-tu des souvenirs particuliers de la ville ?
DA : Oui, le Bon Air. J’ai mangé de la nourriture incroyable ici, et de grands vins. Mais j’ai eu de bons souvenirs dans toute la France. La France a probablement été le premier pays à m’accepter vraiment. Probablement même plus tôt que le Royaume-Uni. La France est donc toujours comme une seconde maison pour moi. Et cela fait plus de dix ans. Donc, j’ai toujours aimé être dans toute la France. C’est toujours un plaisir de venir ici.
SOB : Tu as commencé cette nouvelle tournée par une date en France, aux Nuits Sonores. Peux-tu nous expliquer pourquoi ce choix et pourquoi ce festival est si important pour toi ?
DA : Lyon, bien sûr. J’ai une grande histoire avec Lyon, notamment avec les Nuits Sonores. Ils ont été parmi les premiers à me booker en France, avant Drone Logic, avant qu’on me connaisse. Ils m’ont donné une chance, donc c’est toujours spécial. Depuis, j’ai joué à chaque édition des Nuits Sonores, dix fois ! C’est tellement fou, c’est un endroit spécial. Cette année, j’ai décidé de commencer le nouveau spectacle live ici, quelque chose sur lequel je travaille depuis longtemps. Je voulais le faire depuis longtemps. Et je pensais que ce serait l’endroit parfait pour ça, et ça l’était. C’était une nuit parfaite.
SOB : Nous étions aux Nuits Sonores et c’était une véritable claque. Ce qui a frappé, c’est que dès que tu as quitté la scène, de nombreux fans se sont précipités vers les grilles pour essayer de t’approcher. Tu es allé direct vers eux, demandant au vigile d’ouvrir les grilles pour que tu puisses parler à tous ces gens. Ressens-tu un réel besoin de ce contact avec ton public ?
DA : Merci. Je ne serais pas là sans eux. Ce qui est vraiment cool, surtout dans des villes comme Lyon, c’est qu’il y a des gens qui me disent qu’ils m’ont vu il y a 10 ans, qui m’ont vu plein de fois et qui viennent encore me voir. J’aime mon public : c’est un mélange de gens qui me voient pour la première fois, d’autres pour la dixième fois… Je ne peux rien imaginer de mieux, c’est parfait, je les aime.
SOB : On a l’impression que ton son a évolué au fil des années, en studio bien sûr mais aussi sur scène. Quels ont été tes choix pour ce nouveau spectacle ? Qu’il s’agisse de la setlist, de la scénographie, du matériel utilisé…
DA : J’avais l’idée d’un véritable show depuis de nombreuses années. Mais ce n’était pas assez clair dans ma tête. Je voulais quelque chose de différent du DJing. Enfant, adolescent, j’ai toujours rêvé d’être dans un groupe. Vous savez, j’adore le rock, c’est très important pour moi. Je voulais en quelque sorte injecter l’énergie d’un concert de rock mais pour l’électronique. C’est ainsi que j’ai conçu le spectacle en direct. Je voulais un spectacle très intense, grand et noisy. Et ce spectacle va continuer à évoluer encore et encore comme un spectacle de rock. C’est l’idée de base. Pour ce qui est de l’équipement, c’est très simple. C’est le mélange d’une carrière de 10 ans en un seul spectacle. La tracklist est constituée de chansons de tous les albums, y compris le nouveau. Avec les DJ sets, j’aime jouer pendant plusieurs heures, apporter des touches psychédéliques, une musique flottante même si je joue vite. Je veux que les gens ferment les yeux, qu’ils se perdent dans ma musique. Mais le live, c’est le contraire, c’est une putain d’heure intense.
SOB : Penses-tu qu’un jour tu pourais avoir par exemple un batteur avec toi sur scène ?
DA : J’ai réfléchi à la façon dont je pourrais le faire. J’adorerais essayer quelque chose. Ce n’est que le tout début de cette version du show. Nous verrons ce qui se passera.
SOB : Ce retour sur scène est l’occasion de présenter ton nouvel album, prévu pour début novembre : Ultra Truth. Lors de l’annonce de ce nouveau projet, tu as déclaré qu’il s’agissait de « regarder directement dans l’obscurité », ce qui va à l’encontre de tes premiers albums. Peux-tu nous expliquer pourquoi ce choix et comment s’articule-t-il ?
DA : Dans le passé, j’ai toujours été très intéressé par la représentation de la musique de club et de la musique électronique. Ce que je fais est comme une évasion du monde réel. Ces derniers temps, ma vie a radicalement changé. J’ai connu plusieurs changements personnels majeurs dans ma vie. J’ai réalisé pendant ces confinements qu’après toute l’euphorie de ces tournées sans fin, j’étais fatigué. Je passais des moments excitants, mais je sentais que j’avais besoin de changer quelque chose dans ma vie. Et cela incluait une sorte de remise en question. Beaucoup de choses n’étaient pas positives. Mais j’ai dû remettre les pieds sur terre, arrêter de m’envoler tout le temps et me contenter de regarder cette obscurité. Ces dernières années ont été difficiles pour moi, mais l’endroit où j’ai trouvé une sorte de réconfort a été de revenir en arrière et de regarder les influences qui ont beaucoup compté pour moi dans mes jeunes années. Les films de David Lynch, les jeux vidéo comme Silent Hill, ces choses qui ont un aspect sombre. Et aussi les groupes de rock que j’aime : Deftones, Queens of The Stone Age, The Cure. Aller à des concerts de rock vous permet de vous connecter avec d’autres personnes, il y a une famille liée à cette obscurité. C’est ce que je voulais injecter dans mon nouvel album. C’est toujours un disque plein d’espoir mais il y a cet aspect sombre. C’est très bruyant, fort et déformé. C’est toujours moi, mais c’est plus sombre et, à bien des égards, je pense que c’est l’album le plus honnête que j’ai fait. Hmm non… tout ce que j’ai fait était honnête, j’ai l’impression plutôt que c’est tout ce que j’ai fait en un seul disque. Chaque élément du passé, plus de dix ans sur la route.
SOB : Avant de parler du contenu de l’album en lui-même, la pochette donne déjà quelques indices sur ce à quoi l’auditeur peut s’attendre. Comment as-tu procédé pour celle-ci ?
DA : Je suis retourné à mes notes originales pour Drone Logic. Parce qu’à cette époque, je regardais beaucoup mes anciennes influences d’avant. La pochette de Drone Logic est inspirée des films de la Nouvelle Vague, des actrices comme Anna Karina ou Brigitte Bardot, des personnages qui ont cette beauté mais aussi un côté sombre. Je pense aussi à David Lynch, David Fincher qui montrent des personnages féminins avec ce côté sombre. Je ressens une connexion avec moi, et pour le nouvel album, je me suis demandé comment faire cela à nouveau. Je voulais une idée futuriste, faire une cover rock du futur. C’est ça l’idée. L’artwork est une intelligence artificielle, une interprétation d’un personnage, pas nécessairement féminin ou masculin, mais juste ce à quoi un humain pourrait ressembler.
SOB : Tu as fait appel à de nombreux featurings pour t’épauler : Kelly Lee Owens, HAAi, James Massiah… Pourquoi as-tu choisi de faire appel à autant d’invités pour cette nouvelle production ?
DA : C’est quelque chose que je n’ai jamais fait auparavant. Cette fois, je voulais simplement des éléments plus humains, un album comme une histoire, avec des interludes qui sont comme des poèmes, des bouts de conversations. Finalement, d’une certaine manière, c’est comme un film, avec une histoire narrative. Je pense que c’est certainement un disque électronique, mais c’est la meilleure interprétation de moi, donc il doit y avoir des éléments humains. Beaucoup de ces personnes sont mes amis depuis longtemps : Kelly avec Drone Logic, Haai est l’une de mes meilleurs amies… Des gens comme James Messiah ou Sherelle sont de nouveaux amis que je me suis faits en chemin. Ils ont tous des voix uniques.
SOB : Nous avons eu la chance à Sound of Brit de recevoir en avance ton superbe nouvel album. En entendant l’impact des rythmes, on se demande si tu utilises parfois une vraie batterie lors de tes enregistrements. Il y a indéniablement un rythme qui t’est propre et que l’on retrouve d’album en album.
DA : Parfois, j’utilise une vraie batterie. J’aime quand la musique est une sorte de mélange entre des outils réels et des outils électroniques. J’aime utiliser de vieilles machines et les nouvelles technologies. Je ne me qualifierais pas de puriste, j’aime tout.
SOB : Tu as choisi « Chaos Energy » comme premier single de cette nouvelle ère. Ma première question est de savoir pourquoi ce choix, et ma deuxième est de savoir si tu n’as pas peur de diviser ton travail en morceaux en proposant des singles.
DA : Je pense que cet album est un album entier, vous devez l’écouter si possible du début à la fin. Je pense cela de tous mes albums, mais surtout de celui-ci. C’est donc effrayant de choisir un single, mais il faut le faire. Pour ce choix de Chaos Energy, il me semble que c’est la bonne voie à suivre. Je pense que c’est ma préférée et elle est reconnaissable comme un titre de Daniel Avery mais dans une nouvelle version. J’adore que HAAi chante dessus et que Kelly fasse l’intro. Et c’est une bonne connexion de Drone Logic à Chaos Energy, dix ans. Maintenant, Kelly est devenue une superstar, j’aime cette connexion.
SOB : Je dois te dire que j’ai eu un gros coup de cœur pour le morceau « Wall of Sleep« . Un autre titre a beaucoup attiré mon attention : « Lone Swordsman« . Mais si on regarde bien, ce titre est déjà sorti en 2020 ! Pourquoi as-tu choisi de l’ajouter dans ton nouvel album ?
DA : J’ai fait Lone Swordsman quand j’étais en studio le jour où Andrew Weatherall est décédé. Mon ami Richard Fearless de Death in Vegas est venu, c’était un moment bouleversant. Andrew était une personne très importante pour moi, plus qu’une inspiration, c’était un héros, un ami, quelqu’un qui m’a vraiment aidé au début. Il a été la première personne à avoir le titre de Drone Logic. Andrew a été très important dans ma carrière et dans ma vie. Donc, ce jour-là, Lone Swordsman est sorti, c’est un hommage à Andrew. C’est un disque très important pour moi, et il a eu de bons retours, donc il méritait de figurer sur un album, et ce nouvel album semblait être le bon.
SOB : En plus de cet album, tu as un emploi du temps très chargé : tu as remixé « Ghosts » de Rone, proposé le titre « Your Future Looks Different In The Light », un autre remix de goldpanda est à venir, tu prépares la promotion de l’album et tu es en tournée d’été. Ce rythme n’est-il pas trop intense ?
DA : Dans le passé, avant les confinements, le rythme était très intense pour moi. Je menais une vie stressante, tout allait trop vite, c’était trop. Les confinements m’ont appris à me calmer, mais ces deux années sans tournée m’ont fait réaliser que ce qui me rendait le plus heureux était de faire de la musique. Les tournées sont amusantes, le spectacle est génial, mais ce qui me rend heureux, c’est de faire et de sortir de la musique. Tant que je peux me donner assez de temps, avec assez d’espace mentalement et physiquement pour continuer à faire de la musique…
SOB : On connaît ta passion pour le vinyle. Peux-tu mettre des mots sur la dimension que prend ton travail sur ce support en particulier ?
DA : C’est juste l’idée d’écouter quelque chose comme un tout, comme une seule chose. J’aime l’idée de mettre un vinyle, de s’asseoir et de laisser le disque vous emmener dans son monde. Cela a toujours eu un sens pour moi. Et l’autre point est évidemment qu’un disque sera toujours là. Dans ce monde de DJ où tout est trop rapide… Personnellement, je suis convaincu qu’il y a encore des gens, même des jeunes, qui veulent prendre le temps d’écouter. Ce que j’aime quand je fais de la musique et surtout avec des vinyles, c’est qu’une trace sera laissée même après moi, la musique trouvera son chemin dans différents endroits.
SOB : Mon frère déteste la techno. Il n’a que 19 ans, il découvre les clubs après tous ces confinements, et il n’arrête pas de me dire que ce n’est que du « boom boom » répétitif. J’ai donc décidé de l’emmener avec moi au Baou ce soir, car je sais que ta musique peut lui donner accès à ce style musical. Comment expliques-tu que pour beaucoup de gens, tu es une porte d’entrée à cette facette de la musique électronique ?
DA : C’est intéressant car on me pose souvent cette question. Je n’ai pas la réponse exacte, mais je suppose que c’est parce que je n’ai pas grandi avec la musique dance. J’ai toujours aimé la musique électronique : The Prodigy, Underworld, Chemical Brothers, Björk, Massive Attack, Aphex Twin… mais je ne suis allé dans les clubs que plus tard. Au début, le rock était mon premier amour, ma grande passion, et c’est toujours le cas. Il y a tellement de groupes que j’aime : Nirvana, The Smashing Pumpkins, Deftones, Nine Inch Nails, TV On The Radio… La collection de mon père m’a également influencé : Black Sabbath, David Bowie, Rolling Stones… Je pense que lorsque j’ai commencé à jouer de la musique électronique, j’ai gardé cette passion pour le rock. C’est vraiment ma seule réponse, je n’ai pas d’autre explication.
(comme prévu, mon frère a adoré !)
SOB : Mais avec ta vie d’artiste, as-tu le temps de voir les groupes que vous aimez sur scène ? Dans des festivals peut-être ?
DA : J’essaie de trouver du temps pour cela autant que possible.
SOB : Je voudrais parler de quelqu’un qui s’appelle James Greenwood. Peux-tu nous parler de son importance pour toi ?
DA : C’est une personne extrêmement importante pour moi. J’ai rencontré James il y a longtemps, en 2008 ou 2009 peut-être. Je travaillais dans un magasin de disques à l’époque, appelé Pure Groove. Je commençais à essayer de faire ma propre musique, et quelqu’un nous a présentés. Il venait d’être diplômé d’une école de musique, il avait 18 ou 19 ans. Il voulait faire de la musique en tant qu’ingénieur, alors l’idée était de travailler ensemble. James est un magicien en studio, moi j’essayais quelques trucs. Très rapidement, nous avons réussi à créer ensemble et c’était comme de la magie. C’était la rencontre de toute une vie. Ensuite, il est devenu bien plus qu’un ingénieur du son. Il participait à la plupart de mes activités. J’ai vu qu’il était capable de tout faire. Surtout sur Drone Logic, il n’y avait que lui et moi. Il a aussi son projet Ghost Culture, tout simplement fantastique. Je ne serais pas là sans lui. Nous travaillons un peu moins ensemble maintenant, mais il reste une personne très importante pour moi et ma musique.
Ultra Truth de Daniel Avery disponible le 4 novembre. Précommande disponible sur le site officiel.
English version
Daniel Avery – Le Baou – DJ Set
Daniel Avery – Nuits Sonores – Show
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