20 Avr Interview – A Kiss for The Whole Word, le nouvel album d’Enter Shikari 2.0
On a rencontré Rou Reynolds, le chanteur et leader d’Enter Shikari lors d’une journée de promotion pour la sortie de leur nouvel album A Kiss for the Whole World. Nous avons pu évoquer le processus de création de l’album, leur série de « résidences » en Grande-Bretagne et leur relation avec la France.
Sound of Brit: Vous êtes en plein milieu d’une série de concerts en Angleterre, dans des petites salles. Vous revenez plusieurs fois au même endroit, à un mois d’intervalle, pendant 3 mois. Quelle est l’idée derrière ces « résidences » ?
Rou Reynolds: On a toujours voulu expérimenter avec les modèles de tournée, et trouver de nouvelles façon d’organiser des concerts. Dans le contexte de la sortie de l’album, des concerts intimistes, on ne pouvait pas changer grand chose du côté de la production. On s’est donc demandé comment on pouvait rendre l’expérience complètement différente de la sortie du précédent album, Nothing is True & Everything is Possible.
Avec l’album d’avant, on a dû attendre plus d’un an et demi avant de pouvoir jouer sur scène les morceaux de l’album, c’était horriblement long. Tu ne connais pas vraiment une chanson avant de l’avoir jouée sur scène, tu vois ? C’est à ce moment-là qu’elle atteint sa forme finale. Ne pas pouvoir le ressentir était vraiment frustrant.
Cette fois-ci, on voulait vraiment avoir le sentiment opposé. Par exemple, on a sorti Bloodshot, le troisième single, hier, et on va pouvoir le jouer sur scène dans 3-4 jours. On est super excités de pouvoir instantanément évaluer comment fonctionne la chanson sur scène.
Dans quelle mesure vous attendez vous à ce que le troisième show de Bristol, par exemple, soit différent des deux premiers ?
Rou: On travaille dans ce sens. Par exemple, les setlists seront un peu différentes pour chaque série de concerts. Personnellement, je suis aussi intéressé de voir comment cela va naturellement se dérouler. Que va-t-il se passer différemment, est-ce que le public va réagir différemment ou est-ce que nous, en tant que groupe, on va réagir différemment ? Ce qui est cool aussi c’est que nous n’avons jamais joué dans ces salles, aucun précédent. On verra comment les choses vont se jouer, comment l’atmosphère de chaque soir va influencer notre ressenti.
C’est un peu comme une expérience, en fait, que vous êtes en train de conduire, finalement.
À propos de l’album, A Kiss for the Whole World
J’ai aussi lu aujourd’hui dans une interview que vous avez faite sur le site de NME que cet album était un peu le début d’une nouvelle ère pour Enter Shikari. D’où vient ce déclic ? Qu’est-ce qui a marqué la rupture avec les précédents albums ?
Rou: Il y a une ou deux choses qui se sont passées.
En premier, on a sorti une biographie. Vers la fin de la période de Nothing is True & Everything is Possible, Luke Morton, qui est un super auteur, nous a écrit parce qu’il était intéressé par l’écriture de la biographie d’Enter Shikari. C’était une expérience vraiment intéressante et drôle, puis cela nous a forcé à beaucoup regarder en arrière, à ressasser le passé. On a eu beaucoup d’entretiens avec lui, pour qu’il puisse prendre des notes et avancer dans la rédaction. Exprimer et poser sur papier tous ces évènements nous a amené à ressentir les choses comme « tout ce qui s’est passé ces dernières années est écrit là. À partir de maintenant, tout est nouveau, on recommence de zéro ».
Une autre raison est que pendant le confinement, je n’étais pas capable du tout d’écrire de nouvelles musiques, ce qui ne m’était jamais arrivé. J’écris sans arrêt depuis mes 10 ans. C’était une période étrange et effrayante. Quand j’ai enfin pu recommencer à écrire, je sentais que j’avais traversé un fossé. J’étais tellement soulagé et content, tout me semblait nouveau et frais. Enter Shikari était passé à la version 2.0, un peu comme une renaissance.
Est-ce que cette pause forcée pendant la crise sanitaire signifie que vous écrivez en premier pour la scène ? Quel est votre processus de création et de composition ?
Rou: Il y a clairement une part de moi-même qui pense toujours à comment la chanson peut être perçue. Quand j’écris, parfois je rejoue ce que je viens d’écrire et j’imagine ce que cela pourrait d’être dans le public, à ce moment-là, ce que je ressentirais, comment je réagirais. Dune certaine façon, je suis toujours en train de penser à comment le morceau sera perçu une fois joué sur scène.
En fait, ce qu’on essaie vraiment de faire c’est de comprendre ce que les gens vont ressentir devant cette chanson. Il n’y a rien de plus intéressant que les émotions humaines. C’est très étrange de penser qu’on peut avoir cette position d’influencer les émotions et les pensées d’une personne grâce à la musique.
Quelque chose qui m’a toujours frappée dans vos concerts, ce sont les créations visuelles sur scène. Je me souviens de vos belles lumières sur scène pendant la tournée de 2019, de Sparky, … et je me demandais à quel point ce côté là est inclus dans la création de l’album et de la tournée. Est-ce que vous y pensez au même moment que la composition ? Après ?
Rou: Je ne pense pas qu’au moment où je compose de nouveau morceau, cet aspect là est déjà dans ma tête, non. Par contre, dès que la musique est achevée, cela devient notre préoccupation principale. Par exemple, en ce moment, on planifie et on prépare nos concerts en tant que tête d’affiche des prochains festivals, et notamment ce côté là. On veut proposer un show, un show complet. Je veux que le concert soit un moment complètement immersif : où il y a de la musique, des créations visuelles, et des émotions fortes.
Tu as aussi dirigé le tournage des deux récents clips. C’était la première fois que tu pouvais le faire, comment ça s’est passé ?
Rou: C’était vraiment bien. Évidemment, c’était beaucoup de boulot, c’était intense, mais je suis tellement content de l’avoir fait. On a même tout juste achevé le tournage des deux clips suivants. Je suis content que tout soit terminé, là, parce que c’était une charge de travail importante, mais je pense que cela nous a permis de mieux illustrer notre musique. En tant que groupe, on connaît tous les petits détails de la musique, des paroles et on est les mieux placés pour les traduire en détails visuels. J’ai beaucoup aimé avoir cette liberté là, avoir cette capacité de créer une histoire visuelle, un lieu, et plein de petits détails qui relient les deux vidéos. J’ai toujours été fasciné par cet aspect et je suis vraiment reconnaissant d’avoir eu le temps et l’énergie mentale de le faire.
On a pu discuter avec You Me At Six quand ils sont venus en France pour un jour de promo et on a abordé votre collaboration. J’aimerais beaucoup avoir ton avis sur cette chanson, comment tout cela s’est déroulé ?
Rou: En fait, Josh m’a juste envoyé un message vocal en disant qu’ils avaient cette chanson où ils aimeraient beaucoup que je figure et qu’on travaille dessus ensemble. Tout de suite, je l’ai trouvée vraiment cool. C’est probablement ma préférée sur l’album, même s’il est vraiment bien dans son ensemble. Le morceau était hyper énergique, très brut. À ce moment-là, on était nous-même en train d’enregistrer et j’étais stressé parce qu’on était en retard. Mais dès que j’ai entendu la chanson, je me suis dit, « je n’ai pas le choix, faut que je prenne le temps de le faire, ce morceau est vraiment trop bien ».
Je lui ai envoyé mes idées de voix, j’ai également fait un peu de production dessus. C’était une expérience très cool. Les gars sont super gentils. On a en plus eu l’occasion de la jouer sur scène, ensemble, à Londres il y a quelques jours, c’était vraiment chouette.
Pour la création de cet album, vous avez travaillé avec une équipe plutôt réduite, en gardant au maximum le côté indépendant du groupe. Est-ce que c’est un fonctionnement qui vous convient bien ?
Rou: The Spark était le premier album du groupe que j’ai co-produit. Ensuite, Nothing is True & Everything is Possible était le premier que j’ai produit seul. Celui-ci, A Kiss for the Whole World, est l’album produit et composé dans l’esprit le plus DIY que l’on a pu mettre en place jusqu’ici. Nous n’avions jamais eu aussi peu d’aide extérieure. Nous n’étions que 5 en studio : nous quatre et notre ingénieur, George. Je me sens très chanceux d’avoir pu travailler avec des gens incroyables par le passé, d’avoir pu apprendre tant d’astuces, de techniques et d’outils que l’on peut maintenant mettre en oeuvre et continuer d’expérimenter. Cette façon de fonctionner nous convient particulièrement bien.
Pour finir, on a quelques questions à propos des concerts en France et de votre relation avec les fans français. Comment vous percevez votre public, ici, en France ?
Rou: On s’est toujours sentis très soutenus, en France. Évidemment, on n’a pas la même popularité ici que dans d’autres pays, mais cela ne signifie pas qu’il y ait moins de passion. Le public français est extrêmement passionné, et nous soutient à fond, et c’est ce qui compte le plus pour nous. Si les gens ressentent une connexion avec notre musique, qu’importe qu’ils ne soient que 2, on viendra toujours faire des concerts, tu sais ? On a toujours été conscients et reconnaissants de ce soutien.
Aussi, je pense qu’il y a quelques pays qui mettent vraiment en avant leur propre musique nationale et leur propre langue. Et je le comprends tout à fait. Cela nous a porté un peu préjudice, je pense, car notre musique a une portée mondiale, européenne. On a beaucoup d’influences, d’Europe, notamment. Et j’ai parfois l’impression que le public mainstream français ne comprendrait pas forcément notre musique. Peut être que je suis trop anglais, haha.
Le marché français de la musique est un peu étrange, parfois, oui. On s’est souvent demandé, en tant que média, pourquoi des artistes si reconnus à l’étranger n’étaient pas soutenus comme ils le méritent en France. Enter Shikari fait complètement partie de cette catégorie.
Rou: En même temps, cela nous permet de jouer des concerts dans des petites salles. C’est toujours des moments à part, on se sent tellement connectés avec le public, c’est incroyable.
Chez Sound of Brit, on aime découvrir de nouveaux artistes. Est-ce que tu as des recommandations, des découvertes récentes que tu aimerais nous donner ?
Rou: Eh bien, on vient tout juste de terminer une tournée anglaise avec No Offense. C’est très cool, un peu dans le nouveau style pop punk. Aussi, Blackout Problems, un groupe allemand de post-hardcore. Des gens extrêmement gentils, et ils font une musique intéressante.
Évidemment, il y a aussi les featurings que l’on a faits. Cody Frost sera notre première partie sur la prochaine tournée de résidences. Elle est incroyable. On la connaît depuis 10 ans maintenant, elle venait à nos concerts en tant que fan au début. Elle a une voix tellement puissante, beaucoup de passion et de diversité dans ce qu’elle propose. Wargasm aussi. Ils vont de progrès en progrès en ce moment. Brillants sur scène. Il y a beaucoup de nouvelles choses à écouter !
Merci beaucoup pour ces découvertes, et c’est la fin de l’interview. Merci beaucoup pour nous avoir accordé du temps et à très bientôt dans les salles françaises !
A Kiss for the Whole World sortira le 21 avril 2023
Interview par Claire D.
Propos modifiés pour clarté
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