12 Juil Beauregard nous en met plein les yeux

Cette année encore, avec 10 artistes britanniques programmés, le festival Beauregard a frappé fort.

L’édition 2023 avait été marquée par de nombreuses annulations de concerts. Mais en 2024, la programmation s’est déroulée sans accroc. Il en va de même pour la météo qui a été au beau fixe pendant chaque jour de festival. L’organisation a elle aussi été impeccable. La circulation des navettes était ultra fluide, les stands variés, la nourriture venant de tous horizons et les animations vraiment nombreuses (mention spéciale pour la troupe de théâtre déguisée en moutons qui déambulait joyeusement). Mais alors, les concerts étaient-ils à la hauteur de tout cela ?

Un jeudi explosif

Nieve Ella – la pop rock ensoleillée

Ce jeudi, la première artiste britannique à se lancer était Nieve Ella. Avec seulement deux EP à son actif, elle a plaisanté en disant « Let’s be honest, no one knows me here« , mais elle avait tort : une dizaine de fans fidèles étaient là rien que pour elle. L’un d’eux avait même préparé une pancarte drôle en référence à une story Instagram de la veille où Nieve disait quitter un mariage pour se rendre au festival.

Sur scène, Nieve Ella nous a ravi en interprétant des titres comme Sugarcoated, sorti deux semaines plus tôt, mais aussi Fall 4 U et 19 in a week, qui ont bien pris en live. Le reste de la setlist, très pop rock, a créé une atmosphère joyeuse et énergique. On sentait une véritable complicité entre l’artiste et ses musiciens, qu’elle a d’ailleurs présentés comme ses « best friends ». Le batteur, toujours souriant, a également offert quelques chorégraphies et lip-syncs qui ont fait rire le public.

Idles – Un concert de post-punk vécu comme il se doit

À 20h, Idles prend place sur la scène Beauregard et dès le début, l’énergie est palpable. On est impressionné par le charisme de chaque membre du groupe. Mention spéciale pour Mark Bowen et Adam Devonshire qui nous ont régalé avec leurs tenues de scène et leurs incroyables performances musicales. Joe Talbot, lui, confirme qu’il est l’un des meilleurs frontman de la scène post-punk actuelle, nous offrant des mouvements endiablés qui témoignent de la passion qu’il met dans ses chansons. Cependant, un moment plus surprenant (et un peu déconcertant) survient quand il laisse volontairement de longs filets de salive couler jusqu’au sol, ce qui peut en déranger certains mais fait partie de son personnage sauvage.

Ce soir-là, à notre grande surprise, Joe Talbot s’exprime presque exclusivement en français. Il commence par un « Bisous » avant de nous faire sourire en énumérant quelques mots qu’il maîtrise, tels que « Sacrebleu« , « Zut alors » et « Nique le roi« . Mais pour les discours plus sérieux, comme ses messages de soutien à la Palestine ou ses réflexions sur les élections anglaises et françaises, il repasse à l’anglais.

Le seul petit défaut que l’on pourrait trouver à ce concert, ce sont les backing vocals qui ne sont que peu audibles. C’est dommage car sur des chansons comme Dancer ou Gift Horse, ils sont essentiels. Malgré tout, on adore la setlist qu’ils ont choisie ce jour-là. Avec quatre titres joués, Tangk est assez bien représenté. Et les autres albums aussi. Il est d’ailleurs toujours aussi impressionnant de voir à quel point des titres comme Danny Nedelko ou Mother fonctionnent aussi merveilleusement bien en live. Ce soir-là, à Beauregard, le public a été fantastique. On a vu des circle pits, des walls of death, des gens qui surfaient sur les autres et de nombreux verres de bière qui volaient.

Bring Me The Horizon – Un concert de feu

Avant même que le groupe n’arrive sur scène, la performance scénique est déjà en place. Un écran s’allume avec un personnage virtuel nous disant que ce soir les fans du groupe sont nombreux. La caméra fait un gros plan sur une personne du public. Puis ce même personnage ajoute, sur un ton humoristique, que dans ce public il y a aussi des personnes qui consomment beaucoup de substances illégales. Gros plan sur la même personne du public. Et après ce moment d’humour, le groupe fait son entrée sous les applaudissements chaleureux du public. Oliver Sykes entre sur scène et BOUM, un premier feu d’artifice explose suivi d’énormes jets de flammes.

Pendant les 1h30 de concert, le spectacle est sans égal. Les effets pyrotechniques, les décors magnifiques, et l’énergie des musiciens, dont Oliver Sykes qui descend dans la foule pour câliner les fans du premier rang, créent une ambiance électrisante. À un moment, un spectateur monte même sur scène pour chanter Antivist avec le groupe. C’est un véritable tour de force visuel – difficile de demander mieux en termes de performance scénique.

Mais la magie ne s’arrête pas là. Oliver Sykes offre une prestation vocale impressionnante. Enchaînant les longues notes sans jamais être essoufflé, il maintient une énergie incroyable tout en dansant et en interagissant avec le public. Le groupe semble vraiment heureux d’être là, et le public, lui, ne cesse de lui rendre son enthousiasme.

Un vendredi soir très festif

The Prodigy – Les prodiges de l’électro rock

À 23h30, un mashup de différents styles musicaux résonne dans les haut-parleurs de la scène Beauregard. Des extraits de reggae, d’électro, de rap, et même un sample de All Day and All Of The Night des Kinks nous plongent directement dans une rétrospective musicale. Puis, les prodigieux membres de The Prodigy font leur entrée sur scène. Liam Howlett prend place derrière les platines, Rob Holliday à la guitare, Leo Crabtree s’installe derrière la batterie, et, quelques secondes plus tard, Maxim les rejoint, vêtu de son peignoir de boxe, une tenue parfaite pour l’énergie débridée de leurs morceaux, le tout soutenu par des projections visuelles d’horreur.

Le concert démarre sur les chapeaux de roues avec quatre des plus grands succès du groupe : Breathe, Omen, Spitfire et Firestarter. Pas de temps mort, on entre directement dans l’action, le BPM frôlant l’accélération de nos cœurs. Juste avant Firestarter, un moment de pause permet de rendre hommage à Keith Flint, disparu en 2019. À l’écran, des rayons lasers vertes commencent à dessiner le contour du crâne emblématique de Keith et sa coiffure atypique. Puis, son ombre danse à l’écran, recréant le mouvement mythique du clip de Firestarter. Ce moment sobre et élégant nous permet de penser à lui avec respect, sans tomber dans la mélancolie, car l’énergie du concert reste intacte et il reste encore de nombreux pogos à partager.

Les artistes non-britanniques qui ont retenu notre attention :

Niska : L’énergie du public a été le véritable point fort de son concert. Un public très jeune, enthousiaste à l’extrême, au point que la barrière entre la scène et les spectateurs a failli céder, forçant l’évacuation des photographes.

Bigflo et Oli : Malgré les débats qu’ils suscitent parmi les fans de rap, difficile de nier l’incroyable ambiance qu’ils ont créée ce soir-là. Leurs solos de trompette et de batterie, les invités spéciaux comme Amixem et Petit Biscuit, et même Oli traversant la foule sur un bateau gonflable, ont donné un côté fou et festif à leur performance. En prime, Bigflo rappelait avec humour le score du match de l’Euro, et ils nous ont surpris avec des reprises inattendues de Gala et des Bee Gees. Ils ont réussi à créer une ambiance de fête inégalée.

Parcels : Leur performance a démarré doucement, mais au fil du concert, l’énergie a monté progressivement. En fin de compte, le groupe a réussi à faire chanter et danser tout le public. Un bel instant de communion sur leurs célèbres titres Overnight et Tieduprightnow, qui ont fait la joie des spectateurs.

Un samedi que l’on n’oubliera pas de si tôt

Fat White Family – LE concert dont tout le monde a parlé

Si Fat White Family est bien connu pour sa provocation, cette performance pousse l’absurde à un niveau où l’on se demande : est-ce que choquer sans véritable message est vraiment nécessaire ? Et était-il approprié de faire cela devant un public de jeunes, notamment des filles d’environ quatorze ans, qui attendaient un autre artiste ?

Ce samedi à 15h50, Fat White Family fait son entrée sur la scène John. Et dès le début, le ton est donné. Lias Saoudi fait une entrée remarquée dans un short particulièrement moulant, attirant une attention difficile à ignorer. Mais rapidement, son comportement dépasse les limites de la provocation. Il se livre à des gestes de plus en plus choquants, allant jusqu’à sortir un morceau de bœuf de son caleçon, le manger, puis proposer l’autre moitié à des spectateur. Si Fat White Family est bien connu pour sa provocation, cette performance pousse l’absurde à un niveau où l’on se demande : est-ce que choquer sans véritable message est vraiment nécessaire ? Et était-il approprié de faire cela devant un public de jeunes, notamment des filles d’environ quatorze ans, qui attendaient un autre artiste ?

Malgré cette performance dérangeante, il est impossible de ne pas reconnaître la qualité de leur setlist. Leur dernier album Forgiveness Is Yours résonne puissamment en live, et des morceaux comme What’s That You Say parviennent à faire chanter les quelques fans présents. Les classiques comme Feet n’ont pas perdu de leur force, mais malheureusement, ce moment mémorable sera assombri par des gestes peu recommandables qui n’ont, semble-t-il, pas de justification au-delà du choc pour le choc.

Bat For Lashes – L’incarnation de la poésie et de la douceur

Le gros avantage des festivals, c’est de passer d’un univers à un autre en quelques minutes. Ainsi, à 16h45, nous avons quitté la provocation de Fat White Family pour retrouver la douceur de Bat For Lashes. La voix de Natasha Khan est tout simplement du miel pour les oreilles. Sur de nombreux aspects, elle nous rappelle de très grands noms comme Kate Bush ou PJ Harvey.

Les décors et jeux de lumière étaient assez discrets, mais le grand soleil ne permettait de toute façon pas de les apprécier pleinement. En revanche, ce qui nous a vraiment marqué, c’est la pureté et l’harmonie de l’univers que Bat For Lashes a créé. Dès le début, chaque moment était aussi magique que cohérent, avec des chansons comme Daniel, At Your Feet et The Dream of Delphi qui nous enveloppaient dans une douceur incomparable. Les chorégraphies du groupe, proches de la danse contemporaine, apportaient une dimension visuelle supplémentaire, magnifiant chaque chanson. De plus, l’utilisation d’instruments rares, comme l’autoharp, transportait l’ensemble dans un autre temps et un autre espace, créant ainsi une expérience vraiment unique.

Archive – Un concert qui ne rentrera pas dans les archives

Chez Sound Of Brit, on a eu l’occasion de voir de nombreux concerts d’Archive et, chaque fois, on les a trouvés merveilleux. Mais ce soir-là, les conditions n’étaient pas optimales. Tout d’abord, le concert du groupe débutait à 00h30 et ce sur la plus petite scène du festival Beauregard. Ensuite, la setlist était vraiment très courte. Là où la plupart des groupes ont joué entre 12 et 15 titres, Archive n’en a joué que huit. Et pour cause, ils n’avaient qu’une heure pour performer contrairement à LCD Soundsystem juste avant qui disposaient d’1h30. De plus, parmi les chansons jouées, on retrouvait Lights et Again. Deux chansons qui durent respectivement 18:28 et 16:28. Alors forcément, avec deux titres qui prenaient à eux seuls quarante minutes, le concert d’une heure a passé vite. Vraiment très vite.

Malgré tout, le talent des musiciens est toujours aussi impressionnant à voir et à entendre en live. On n’attend qu’une chose : les revoir dans de meilleures conditions au Zénith de Paris en février.

Les artistes non-britanniques qui ont retenu notre attention :

Véronique Sanson : À 75 ans, la chanteuse fait toujours partie des artistes à voir absolument en concert. Sa voix est intacte, ses tubes sont nombreux et ses musiciens ultra talentueux.

Black Pumas : Le seul concert de soul de cette édition 2024 du festival Beauregard. Et quel concert ! Le chanteur Eric Burton possède une voix et un charisme incroyable. Si le groupe est assez peu connu en France, ils ont très rapidement conquis le public.

LCD Soundsystem : Dès les premières notes, une boule à facettes et des lumières éclatantes annoncent une expérience électro-disco de 1h30. La performance sur scène est impressionnante, avec une musique précise et millimétrée, portée par le talent de James Murphy. Si certaines chansons auraient mérité un peu moins de longueur et de répétition, entendre des titres comme Tribulations ou New York I Love You But You’re Bringing Me Down en live reste un plaisir indéniable.

Un dimanche sous le signe des élections

Baxter Dury – Le plus dansant de tous les dandy

La setlist de Baxter Dury pour ce dimanche après-midi ensoleillé est une véritable réussite. Joyeuse, mais pas trop ; dansante, mais sans excès. Après trois jours d’intensité musicale, c’est exactement ce qu’il nous fallait. Chaque titre est interprété avec la même qualité qu’en studio, ce qui témoigne du travail minutieux qu’il a fourni sur son dernier album, I Thought I Was Better Than You (2023). Des morceaux comme Crowded Room ou Pale White Nissan trouvent parfaitement leur place en live et ajoutent à l’expérience.

Bien que Baxter communique peu entre les morceaux, sa présence scénique ne laisse aucun doute sur sa passion. Il gesticule et vit chaque mot qu’il chante. Pour ajouter une touche de convivialité, il se permet même un petit geste inattendu : prendre un verre de bain au bord de la scène, nous offrant un grand sourire. Cheers, Baxter !

Massive Attack – Un final engagé

Avant de vous raconter le concert de Massive Attack, il nous faut remonter un peu le temps afin de restituer le contexte dans lequel a eu lieu ce concert. Le dimanche 7 juillet était marqué par les élections législatives, et plus particulièrement par l’angoisse du possible succès du Rassemblement National. Les jours précédents, seuls Idles, Bigflo et Oli et Zaho De Sagazan en ont parlé. Mais ce soir-là, chaque artiste présent s’est exprimé sur ce sujet. L’Impératrice a d’abord rappelé les dangers pour le statut des intermittents du spectacle et les droits des femmes en cas de victoire du RN. Ensuite, Calogero a adressé un simple « Vous avez bien voté » juste après l’annonce des résultats. Le DJ Marc Rebillet a rejoint cette dynamique en lançant des chants de résistance, comme « la jeunesse emmerde le Front National », ainsi que d’autres critiques acerbes envers certains représentants politiques.

Lorsque Massive Attack est monté sur scène à 23h30, leur engagement n’a laissé aucun doute. Fidèles à leurs convictions, ils ont abordé des sujets aussi lourds que le génocide en Palestine, la guerre en Ukraine, et la manipulation des médias, et ont diffusé des images percutantes en soutien à leurs messages. Après le concert, cet engagement a continué sur leurs réseaux sociaux. Cette fidélité à leurs convictions nous étonne-t-il ? Pas vraiment. Après tout, le chanteur du groupe, Robert Del Naja est fortement soupçonné d’être derrière Banksy.

Côté musique, les fans ont été gâtés. De nombreux tubes ont été joués comme Teardrop, Angel ou Unfinished Sympathy. Mais on a aussi et surtout eu le plaisir de voir plusieurs invités les rejoindre. Le premier était le chanteur jamaïcain Horace Andy dont on retrouve la voix sur quatre albums de Massive Attack. La deuxième invitée n’était pas des moindres puisqu’il s’agissait d’Elizabeth Fraser, l’ex chanteuse de Cocteau Twins. Mais pour les fans du groupe de Bristol, c’est aussi et surtout la voix de Teardrop, Black Milk et Group Four. Et quelle voix. Enfin, le troisième invité était quelqu’un que l’on connaît assez bien ici à Sound Of Brit puisqu’il s’agissait de Young Fathers !

Que retenir de cette édition 2024 ?

De cette belle édition du festival Beauregard, on retiendra d’abord une très belle programmation. En France, ils étaient le deuxième festival à programmer le plus d’artistes britanniques. Ce n’est pas rien. On retiendra aussi la diversité totale des univers. Il n’y a qu’en festival qu’on peut passer de la provocation de Fat White Family à la douceur de Bat For Lashes ou d’un concert de Marc Rebillet qui diffuse des pets et des insultes au sérieux et à l’élégance de Massive Attack.

Et puis Beauregard, c’est aussi une grande équipe qui nous a très bien accueilli et dont on vous invite à découvrir un peu plus le travail en écoutant le podcast Au micro de John, disponible sur toutes les plateformes. Ce podcast en 5 épisodes nous raconte le festival du point de vue de ceux qui y travaillent. Que se passe-t-il quand un artiste annule à la dernière minute ? Ou quand la pluie tombe si violemment que les eaux usées débordent ? Toutes ces questions trouvent leurs réponses dans ce podcast. On adore aussi les quelques anecdotes assez drôles concernant certains artistes britanniques comme Sting ou Damon Albarn.

Mais la meilleure façon de découvrir un festival reste d’y aller. Et pour ça, on vous donne rendez-vous du 3 au 6 juillet 2025 à Hérouville-Saint-Clair.

Toutes les photos de cette édition 2024 du festival Beauregard sont à retrouver ici.