Interview: Pumarosa

Quelques heures avant le concert de Pumarosa au Point FMR, nous avons rencontré la frontman Isabel Munoz-Newsome afin de revenir sur l’incroyable The Witch.

Pour commencer ; vous êtes venus en France quelques fois avec Pumarosa, au Pop-Up du Label, aux Nuits de Fourvière en première partie de Foals, à la Boule Noire… Qu’est-ce que ça te fait de revenir en France ?

Isabel Munoz-Newsome : C’est très sympa ! C’est presque une ère différente maintenant avec l’album de sorti ; on a pas mal tourné, on se sent plus sûrs de nous ! On adore venir à Paris, c’est très sauvage !  Il y a une vibe très New-York des années 70-80, superbe mais très brut, c’est très fun !

Quel est ton rapport avec le public français ?

Isabel Munoz-Newsome : Hum… Je ne sais pas trop… On a toujours aimé jouer ici, mais nous n’avons joué à Paris que quelques fois, c’est une ville très différente du reste de la France ! Disons que c’est une relation qui ne peut qu’évoluer ! [rires]

The Witch va vers son premier anniversaire ; es-tu soulagée de sa sortie, es-tu contente des retours qu’il y a eu au moment de sa sortie ?

Isabel Munoz-Newsome : Les reviews ont été très bonnes, j’étais très heureuse ! Tu bosses pendant des années sur cette pièce et tout à coup tu la dévoiles au monde donc ça fait du bien que ce soit bien reçu ! Les gens se sont vraiment investis dedans, ils n’étaient pas là que pour quelques petits morceaux vite fait, ils sont allés à fond dedans ! En tant que groupe, après la sortie d’un album, tu changes un peu de vitesse. Quand tu fais un concert, les gens connaissent les morceaux plutôt que cette… Pas battle, mais quand tu joues des morceaux inconnus les gens ont un peu plus de mal à s’investir dedans, ils ont besoin de s’accrocher à quelque chose qu’ils connaissent ! On a tourné avec Depeche Mode récemment, et le public ne connaissait pas nos morceaux, mais ils semblaient aimer ! C’est cool comme ça, mais l’expérience est plus intense quand les gens connaissent ce que tu joues.

Pumarosa en concert au Inrocks Festival, à La Boule Noir, à Paris, le 20 novembre 2016

Tu as parlé de votre tournée avec Depeche Mode ; sur leur tournée, ils ont également placé un petit groupe sur certaines de leurs premières parties, Algiers ; c’est très cool qu’ils fassent ça, avec des artistes très différents de leur style !

Isabel Munoz-Newsome : C’était très sympa car on a pu faire connaissance avec Martin [L. Gore] et Dave [Gahan], et ce sont eux qui choisissent les groupes eux-mêmes la plupart du temps. Ils sont tous les deux très bienveillants, tu peux te retrouver face à Dave qui te lâche « J’adore vous voir jouer, je n’aimais pas trop le groupe qu’on avait en ouverture avant ! » [rires] C’est une très bonne chose de faire ça. Il me semble que des fois ils tournent avec de plus gros groupes, The Horrors si je ne m’abuse ? Mais c’était une expérience folle, de se retrouver comme ça à jouer devant 20 000 personnes !

The Witch est un album très dense, avec de nombreux niveaux, extrêmement riche ; combien de temps cela vous a pris de le concevoir ?

Isabel Munoz-Newsome : Ça a pris très longtemps ! [rires] J’écrivais déjà certains morceaux il y a de nombreuses années, mais la plupart des morceaux se sont formés en 2-3 ans. A l’inverse de Barefoot, que j’ai écrit il y a très longtemps. On s’est retrouvés en studio avec notre producteur, on jouait tout ce qu’on avait et il nous disait « Garde celle-là. Celle-ci. Non pas celle-là. » Là on était « Vraiment ? Mais je l’adore celle-là ! » Mais rien n’y faisait ! [rires] 2-3 ans ça me paraît être cohérent. Je pense que ça se passe toujours comme ça pour un premier album. Quand on a commencé à enregistrer avec Dan nous n’avions pas du tout d’argent donc on faisait un morceau par ci, un morceau par là… On a pu commencer à faire plus à partir du moment où on a eu un contrat ! Mais même là les enregistrements étaient très espacés, mais c’était un vrai plaisir d’enregistrer au studio, le meilleur endroit du monde ! Et à la fin on était vraiment tristes de se dire que c’était le dernier jour, que c’était fini !

De nombreux morceaux sur The Witch sont relativement longs ; est-ce une démarche volontaire, ou quelque chose qui vient durant l’enregistrement ?

Isabel Munoz-Newsome : C’est quelque chose qui s’est fait naturellement ! On est tous de très bons musiciens dans le groupe et ça nous arrive très souvent de jammer, donc même si c’est un morceau dont j’ai apporté la structure précise, on va toujours explorer toutes les possibilités imaginables, toutes les voies à prendre, toutes les nouvelles choses qu’on peut aimer ! Des fois on se perd dans un morceau puis on se rend compte que merde, le morceau fait déjà 8 minutes ! [rires] Ce qu’il y a sur The Witch ce sont les versions courtes ! [rires] On est toujours prêt à explorer, mais peut-être qu’en allant de l’avant on essaiera de tenter d’autres choses en écrivant des morceaux plus courts !

Et quelles ont été les influences pour composer The Witch ?

Isabel Munoz-Newsome : Tout le monde dans le groupe est passionné par la musique… Je suis fascinée et inspirée par l’énergie et la puissance de Patti Smith… On est tous dans le groupe très fans de Radiohead aussi, c’est parfois un problème, on les aime trop ! [rires] On fait en sorte de ne pas trop les écouter ! Tomoya [Suzuki] a étudié le jazz et on adore la complexité de ce genre, cette façon de concevoir la musique différemment. On adore aussi raver, écouter des choses plus techno/électro… On aime Happy Mondays… Il y a plein de choses !

Pumarosa en concert au Inrocks Festival, à La Boule Noir, à Paris, le 20 novembre 2016

En parlant de Radiohead, as-tu réussi à les voir en concert récemment ?

Isabel Munoz-Newsome : Je les ai vus à Glastonbury l’année dernière, après notre set ! Mais… Je ne les ai pas trouvés très bon… [rires] Ça m’emmerde car c’est vraiment un de mes groupes préférés, leurs albums studio me retournent ! Je les ai aussi vu à Glastonbury il y a quelque chose comme 10/15 ans, j’étais assez petite, mais c’était putain d’incroyable ! Peut-être qu’un stade n’est pas adapté à Radiohead, il n’y a pas toutes les subtilités ? On aurait dit qu’ils étaient un peu sardoniques l’année dernière, qu’ils s’en foutaient un peu ! Peut-être que c’est parce que j’étais un peu loin aussi ? Mais il y a 10 ans j’étais loin aussi et c’était incroyable, tout le monde pleurait en se regardant et en disant « C’est le plus beau moment de ma vie ! » [rires]

Pour revenir à The Witch, au moment de l’enregistrement, est-ce que l’aspect live est quelque chose que vous gardez constamment en tête ?

Isabel Munoz-Newsome : On a rodé beaucoup des morceaux en live durant des années, et des morceaux comme Priestess, par exemple, on les a enregistrés dans des conditions live, vraiment. On a majoritairement ajouté des choses plus subliminales, vraiment dans le ressenti. Mais sur Barefoot par exemple, on a arrangé ça en studio. On était conscient de l’aspect live mais il fallait s’en détacher un peu, et on peut toujours se rattraper après. Pour Barefoot il y a cette mélodie électronique avec cette guitare un peu acoustique, c’est atypique mais on arrive à ressortir ça en live. James [Neville] est très bon au looping, donc il joue 3-4 parties de guitare qu’il loope. Au moment de l’enregistrement je jouais la majorité des guitares mais ce n’est pas ce que je veux faire en live, je veux danser ! [rires]

J’aime beaucoup le travail sur vos clips, notamment ceux de Honey et Priestess, tous deux très différents ! Comment travaillez-vous vos clips ?

Isabel Munoz-Newsome : En général je sors un concept, une idée de ce que le clip pourrait donner, de l’esthétique générale. Sur Priestess j’étais assez fixée, précise dans mon idée, et je voyais déjà ma sœur faire la danse. Je voulais qu’il y ait cette beauté non-fabriquée, sans maquillage de 5 heures avec styliste, je voulais quelque chose de très brut. On a bossé avec une réalisatrice qui fait beaucoup de film d’arts et essais, ce que l’on cherchait. Elle a réussi à retransmettre cette ambiance sombre et superbe. Pour Honey on a poussé le réalisateur à bout ! [rires] on voulait qu’il en mette toujours plus, toujours plus, toujours plus ! [rires] Le pauvre, on n’avait pas beaucoup d’argent à ce moment-là, nous n’avons même pas beaucoup d’argent en règle générale; mais ça en a valu la peine ! Et il y a toujours un écart entre notre idée de départ et ce qu’il y a à l’arrivée, mais c’est toujours une bonne chose ! Je suis une personne très visuelle mais je ne suis pas une réalisatrice, je visualise les images mais pas les transitions d’une à l’autre ! Un réalisateur voit ça, et nos démarches se complètent !

En plus de vos clips, je trouve l’artwork de The Witch superbe et très intrigant ! Tu peux m’en dire plus ?

Isabel Munoz-Newsome : C’est moi qui l’ait peint ! Je fais toutes les peintures, c’est ce que j’ai fait toute ma vie ! Pour tous les singles j’essayais de trouver une image qui contenait l’esprit du titre en son sein ; pour Priestess cette image de femme très forte avec les cheveux courts et une vraie présence. J’essaie toujours de trouver l’image la plus spontanée qui a une résonance avec le titre. Pour la pochette, sur un album appelé The Witch, je voulais avoir un visage vaguement féminin, le symbole d’un visage ; En tant qu’humain, quand tu vois la pochette, tu reconnaîtras le visage, mais en t’attardant dessus ce ne sera pas exactement comme ce à quoi tu pensais ! Je voulais également un rendu à la fois très ancien et très moderne, quelque chose qu’on aurait pu retrouver peint dans une cave comme graffé sur un mur !

Pumarosa

Bien que la sortie de The Witch soit récente, qu’y a-t-il de prévu par la suite pour Pumarosa ?

Isabel Munoz-Newsome : Dès que nous rentrerons, nous irons dans notre nouveau studio, et on va écrire ! En 2017 on a tellement voyagé, on a vu tous ces pays, c’était à la fois merveilleux et affreux ! On va écrire, passer du temps chez nous, dans les studios, trouver la voie à explorer. On a des idées, on a déjà fait des jams avec une sonorité qui nous convient ; il nous faut du temps, du focus. On refera des concerts cet été dans des festivals. Et prochainement on va tourner avec Everything Everything !

Y a-t-il des groupes, des artistes avec qui tu aimerais collaborer ?

Isabel Munoz-Newsome : Oui, il y en a tellement ! Je ne sais même pas par qui commencer… [rires] On écoute beaucoup d’Aphex Twin, donc si on pouvait collaborer sur le plan purement musical avec lui ce serait fou, toute cette audace électronique… Quand on enregistrait le titre The Witch, avant d’ajouter le chant, on se disait que Nick Cave pourrait chanter dessus, faire un duet ! Peut-être avec ces artistes-là oui [rires]

Et y a-t-il des groupes ou artistes que tu apprécies particulièrement en ce moment ?

Isabel Munoz-Newsome : Il faut que j’écrive ça, dès qu’on me pose la question j’oublie ! J’ai écouté beaucoup de jazz récemment, Miles Davis and the Thelonious Monk ; ils ne sont pas nouveaux mais ils sont incroyables ! Nos potes de Shame ont sorti leur premier album, qui est excellent. J’adore aussi le nouvel album de Björk, je pense que c’est le meilleur album qu’elle ait sorti depuis des années. Il n’y a pas de hits, c’est un album serein avec un univers, extrêmement intelligent. Il nous rappelle que la musique n’est pas que des déflagrations constantes, des hits en puissance, la musique peut être autre chose que les standards qu’on écoute. Merci pour ça Björk ! [rires]

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