Blur – The Magic Whip : Hong Kong calling

Douze ans après leur dernier album studio, les enfants sages de la britpop nous reviennent avec The Magic Whip.

 

 

Tu sens cette pression à écrire sur le nouvel album de Blur ? Pas vraiment. Et pourtant, tu sais que tu te risques au crime de lèse-majesté si tu trouves l’album moyen, voire pire, mauvais, dispensable. Parce que ta première opinion, dès la première écoute emplie d’excitation, n’est pas bien élogieuse. On reste sur sa faim. Comme souvent avec Blur, il est vrai. The Magic Whip, album-miracle sorti des cartons avec les sons d’une session d’enregistrement faite en 2013 à Hong Kong, alors que le quatuor avec cinq jours à tuer pendant leur tournée asiatique, est un album blur-ien. Premier opus studio depuis 2003 et Think Tank, mais premier véritable opus studio avec Coxon (depuis 13), The Magic Whip est un retour en grâce, une invitation au voyage, un objet difficile à saisir et en même temps passionnant.

 

Blurrr

 

Rejetons de la britpop, eux qui ont grandi dans l’ombre des Stones Roses, se sont bagarrés pour la tête des charts avec leurs faux-ennemis d’Oasis, Damon Albarn et les siens sont comme des rescapés. Ce qu’il y a d’original avec ce groupe, que l’on étiquette britpop mais qui n’en reste pas moins bourré de références extérieures diverses, c’est justement qu’il est plusieurs. Peut-être doit-on cette tendance à explorer, expérimenter, tout en se servant de sonorités déjà croisées chez eux, à un Damon Albarn frivole, qui en-dehors de Blur, est incapable de trouver la stabilité, et bosse tour-à-tour pour Gorillaz, The Good, the Bad and the Queen ou pour lui-même. Infatigable et si charmant Damon, dont on va retrouver la patte évidente sur The Magic Whip, surtout lorsqu’on vient de se farcir Everyday Robots, un album qui se laisse écouter mais qui ne transcende pas. Et il est bien là, le nerf du problème : The Magic Whip ne transcende pas.

 

 

Au fil des écoutes, ce nouvel album qui ressemble de loin à un patchwork habilement chapeauté et orchestré par Stephen Street – historique producteur de Blur qui avait été honteusement remplacé sur Think Tank – prend doucement forme. Si aujourd’hui, Blur s’est éloigné de son Angleterre natale pour filer dans une ancienne colonie, c’est plus qu’une symbolique. New World Towers, réflexion sur le nouveau mode avec la patte Albarn, lancinante et mélancolique, veut l’illustrer, tout comme Pyongyang. Sur The Magic Whip, on retrouve des ingrédients inhérents au style Blur, des riffs et refrains rock (I Broadcast) à des rythmes dansants pop (la géniale Go Out), en passant par des expérimentations où les synthés prennent toute la mesure des guitares (There Are Too Many Of Us) et des séquences plus lancinantes, où la justesse vocale d’Albarn désarçonne (Lonesome Street avec ses who-ouh si blur-ien justement qu’on croise aussi sur Ong Ong). Quand le leader du groupe se veut volontairement émouvant dans l’assumée My Terracotta Heart, laquelle suit une incisive I Broadcast, on finit par prendre son pied. Mais à mon sens, c’est presque Though I Was A Spaceman qui réunit toute l’ambiguïté et en même temps le charme de The Magic Whip, le morceau démarrant de manière lente et prenant du relief tardivement sur une séquence jouissive et folle salvatrice.

 

 

Qu’on se le dise, The Magic Whip ne contient pas un titre qui sur le moment, vous fera dire qu’on tient un morceau aussi culte que pourrait l’être Song 2 (qui provient d’un album critiqué par les fans de la première heure), Parklife, The Universal ou Girls and Boys. Le temps nous dira si ce nouvel opus de Blur inscrit bien le groupe dans une autre dynamique. Et en même temps, Blur n’a plus rien à prouver mais prend un certain plaisir palpable à se délecter de ce retour aux affaires inattendu. Pour beaucoup, The Magic Whip est déjà un chef-d’œuvre et ce n’est presque pas étonnant. Mais on ne vous fera pas ce plaisir. Lorsque Mirrorball, sa guitare country, ses cordes mélodieuses, achève ses quelques cinquante et une minutes de pistes éclectiques, on se dit qu’on ne tient pas un album historique, même s’il est pour sa trajectoire de course, sa mise en route, le fait qu’il a failli ne jamais voir le jour. Et posons donc cette question : si cet opus avait signé par un Blur méconnu du grand public, débutant une carrière, auriez-vous crié au chef-d’œuvre ?

 

 

LA NOTE : 7,5 / 10

 

 

Tracklist :

 

Lonesome Street
New World Towers
Go Out
Ice Cream Man
Thought I Was a Spaceman
I Broadcast
My Terracotta Heart
There are Too Many of Us
Ghost Ship
Pyongyang
Ong Ong
Mirror Ball

 

 

Nos titres favoris : I Broadcast, Ong Ong, My Terracotta Heart, Though I Was A Spaceman

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