10 Juil Werchter 2015 : Good Morning Belgium
Avec une programmation comme d’habitude très alléchante, cette édition 2015 de Rock Werchter nous a encore montré que le festival belge fait partie des grands d’Europe. Retour sur 5 jours forts en émotions.
24 juin 2015 : à quelques kilomètres de la ville de Louvain (Leuven chez les Flamands), des milliers de personnes débarquent avec leur tente dans la petite bourgade de Werchter, d’ordinaire très calme. Pendant 5 jours, la tranquillité va laisser sa place à la fête, comme tous les ans à à peu près la même période de l’année (je dis bien à peu près, car pour une fois, les organisateurs ont décalé le festival d’une semaine pour accueillir les Foo Fighters, manque de chance, le leader du groupe américain s’est cassé la jambe deux semaines auparavant et la formation a été contrainte d’annuler sa date à Rock Werchter). Rien de programmé aujourd’hui mais se rendre à Werchter la veille des concerts semble essentielle pour la plupart des festivaliers : on plante sa tente et on est prêt pour les hostilités le lendemain. Car oui, pour beaucoup, l’un des éléments incontournables du festival, c’est bien évidemment le camping, et comme l’an dernier, Rock Werchter a prévu quelques « extras » pour ceux qui s’installent un jour plus tôt. Jusqu’en 2013, les détenteurs d’un ticket « camping XL » se ruaient vers le « A3 » où l’animation était presque garantie. A ce dernier a succédé The Hive (non, pas grand chose à voir avec les Suédois timbrés). Désormais une énorme tente abrite des DJ sets autour de minuit et de nombreux stands gérés par l’organisation sont installés aux quarte coins du camping. Certains se réjouiront du côté pratique d’utiliser ses tickets (2,5€ pièce) partout sur le site, d’autres critiqueront le côté de plus en plus mercantile de Rock Werchter. Toujours est-il que l’ambiance est déjà au rendez-vous, ceux qui veulent faire la fête en dehors des concerts trouvent facilement leur bonheur, pour ceux qui veulent dormir, le plaisir n’est pas partagé, ils entendront, entre autres, une bonne partie du camping chanter You’ll Never Walk Alone sous la grande tente…
25 juin : nous y voilà, jour 1 du festival. Cette année, ce sont les Anglais de Marmozets qui se chargent du coup d’envoi de manière très énergique, un peu trop même. Becca Macintyre a beau avoir une bonne présence sur scène, nos tympans ont dû mal à s’habituer à ses hurlements…
Petite nouveauté sur le festival : les tentes-concert. Le KluBC et la Barn ont été réaménagés pour y installer des gradins. Par ailleurs, leur apparence a aussi changé. Quant à la capacité, elle paraît plus importante, mais nous aurons bientôt la preuve du contraire. Néanmoins, ce petit changement a un impact conséquent sur l’ambiance. C’est en effet une ferveur immense qui accompagne Years & Years sur la scène du KluBC, plein à craquer. Malgré sa dégaine d’amateur de tunning, Olly Alexander parvient à mettre l’ambiance en compagnie de son groupe sans grande difficulté. Les Londoniens se révèlent être un bon groupe de scène et nous passons une petite heure bien sympathique avec eux. Direction la Barn pour James Bay, à l’origine d’un arrivage massif de jeunes filles de 15 à 18 ans. Lui non plus n’a pas à se forcer pour se mettre le public dans la poche et reçoit la même acclamation que Years & Years. On rentre bien dans le set avec d’entrée des compositions très rock, mais l’enchaînement de ballades pendant la moitié du concert ne touche que les fans pures et dures, si bien qu’on a du mal à se remettre dans le bain quand ça s’énerve de nouveau…
Retour sur la Main Stage pour la fin du concert de Rise Against, qui ont l’air d’apprécier leurs retrouvailles avec le public belge. Contrairement à James Bay, ce sont leurs ballades acoustiques qui nous auront le plus convaincu. Une demi-heure plus tard, la « Machine » de Florence Welch monte sur scène, et quelques instants plus tard, tout de blanc vêtue, c’est elle qui débarque, pieds nus. Vu son état, elle doit avoir du mal à se rendre compte qu’ils touchent le sol. Malgré tout, dès les premiers instants, c’est au tour du public d’avoir la tête dans les nuages. La réduction de son temps de passage (merci l’organisation…) n’a pas l’air de la contrarier, et même si son esprit flotte à des lieues au-dessus des milliers de spectateurs, personne ne viendra remettre en question son incroyable présence sur scène. Une heure plus tard, il ne fait aucun doute que Florence mérite amplement son statut de tête d’affiche le lendemain à Glastonbury.
La légèreté et la grâce ne resteront pas longtemps sur la scène puisque Faith No More (qui remplacent les Foo Fighters) entrent en piste. C’est ainsi que nous nous rendons sur la Barn pour Elbow. Malheureusement, même si la tente a l’air plus grande que l’an dernier, il est tout simplement impossible d’y pénétrer. Quelle bonne idée de la part des organisateurs de mettre un tel groupe sur une scène annexe… On peut lire la déception sur tous les visages de ceux qui se retrouvent contraints à assister au concert depuis l’extérieur, notamment quand les plus chanceux chantent en chœur One Day Like This avec le groupe.
Ne remuons pas le couteau dans la plaie plus longtemps, la musique est de retour sur la Main Stage avec les Chemical Brothers pour conclure cette journée. A coups de jeux de lumières bluffants et d’effets psychédéliques, des dizaines de milliers de personnes sont emportées par les compositions entêtantes du duo, irrésistible. Mais l’ivresse passe à un stade supérieur lorsque le duo entame Galvanize, peu de temps avant de dire au revoir à un public en fusion. De quoi conclure cette journée d’une bien bonne manière.
26 juin : alors que nous débarquons sur la plaine du festival, Archive vient de débuter son set sur la Main Stage. Nous cherchons toujours pourquoi ils ont été programmés aussi tôt dans la journée, mais cela ne nous empêche pas de profiter de cette performance de qualité. C’est au tour de Damian Marley (neveu de Bob) de monter sur cette même scène et c’est sans surprise qu’une odeur d’herbe de Provence vient chatouiller nos narines. L’ambiance est au rendez-vous, en particulier lorsqu’il se lance dans les reprises de son oncle. Le public est conquis sans trop de problèmes. Toujours sur la même scène, les Islandais d’Of Monsters & Men prennent le relai. Malgré leur enthousiasme et leur sens de la mélodie, l’ambiance dans le public est poussive et il faudra attendre Little Talks pour qu’il se réveille. Du côté du KluB C, The Cat Empire n’aura aucune difficulté à faire danser la foule grâce à ses sonorités très latino.
Pour ceux qui doutaient du statut de Mumford & Sons en tête d’affiche du festival, quelques minutes sur la Main Stage suffiront pour leur prouver le contraire. Venus pour défendre un troisième album, résolument plus rock que les précédents, les Londoniens se mettent 80 000 personnes dans la poche grâce à une excellente présence et une communication généreuse. Une heure et demie plus tard, Werchter en redemande et aura droit à une belle communion avec le groupe sur Little Lion Man avant un joli final avec The Wolf.
C’est l’un des enseignements de cette journée, il ne suffit pas d’être bon producteur pour donner de bons concerts. Merci Pharrell Williams ! Non, se reposer sur un écran et des danseuses ne suffit pas pour avoir un minimum de présence sur scène. Non, chanter à demi-voix ne passe pas inaperçu. Et non, tu ne jouais pas à Bruxelles ce soir-là. Fait amusant, Ben Gibbard, chanteur de Death Cab For Cutie, avait déclaré quelques heures avant sous la Barn : « il y a trois choses importantes à faire pour un concert : venir, bien jouer, et surtout se souvenir de l’endroit où on joue ». Ah, douce ironie… La pluie commençant à s’abattre sur Werchter (relation de cause à effet ?), nous quittons prématurément la plaine et loupons Happy, tristesse…
27 juin : ils étaient sur une scène annexe l’an passé, ils avaient comblé le vide laissé par les Foo Fighters il y a deux jours sur la Main Stage, les voilà de retour sur cette même scène aujourd’hui : c’est le duo Royal Blood. Une chose est sûre, on n’a pas fini d’entendre parler d’eux, en témoignent les nombreux fans réunis si tôt dans l’après-midi. Le bassiste et le batteur de Brighton montrent en une heure qu’ils méritent amplement la Main Stage et même une place plus élevée sur l’affiche du festival belge, à condition d’avoir un peu plus de morceaux dans hotte. Hozier, quant à lui, a montré qu’il a encore beaucoup de choses à prouver sur scène, l’ambiance n’étant pas vraiment à la hauteur de son succès, sauf, bien évidemment sur son très célèbre Take Me To Church. Lui n’a plus rien à prouver, Noel Gallagher, accompagné de ses High Flying Birds, monte sur scène quelques heures plus tard. Habitué à un public électrique quand il jouait avec Oasis, il a désormais plus de mal à faire chanter les spectateurs, même quand il s’agit des tubes de son ancien groupe comme Digsy’s Dinner ou The Masterplan, il parvient néanmoins à décrocher quelques sourires avec deux ou trois boutades entre les morceaux. Ce n’est qu’en fin de set, avec le mythique Don’t Look Back In Anger, que tout Werchter se réveillera enfin. Résultat : un concert on ne peut plus classique de la part de la tête pensante d’Oasis, mais somme toute très agréable.
Direction le KluB C pour Selah Sue, qui, à domicile, arrive à drainer une foule conséquente alors que Lenny Kravitz parade sur la grande scène. C’est sans surprise que, grâce à sa voix incroyable, la jeune Belge reçoit des acclamations entre chaque morceau.
Retournons sur la Main Stage pour l’un des meilleurs concerts du week-end : celui de The Prodigy. Avec deux piles électriques en guise de chanteurs (Maxim et Keith Flint), des effets de lumières hallucinants et des tubes à la pelle (Breathe, Omen, Voodoo People…), le groupe électronique donne une bonne grosse dose d’adrénaline à Werchter. Et si ce qu’il se passe sur scène est complètement dingue, ce qu’il se passe devant l’est tout autant. C’est l’anarchie dans les 30 premiers rangs : nombreux seront ceux qui sortiront de la fosse couverts de bleus. Comme un symbole, Take Me To The Hospital conclut ce set bouillant.
28 juin : c’est déjà le dernier jour et tous les festivaliers sont bien décidés à en profiter jusqu’à la dernière seconde. Ca tombe bien, l’organisation a réservé une programmation très alléchante pour ce dimanche sur la Main Stage. Dès 14h, nous avons droit à une performance pour le moins mouvementée avec Enter Shikari. Cet OVNI à mi-chemin entre électro et hardcore n’a pas besoin de trop se fatiguer pour faire pogotter les premiers rangs, histoire de reprendre les bonnes habitudes du concert qui a clôturé la veille.
Pas le temps de s’endormir puisque c’est au tour des Vaccines, venus défendre leur troisième opus, de se confronter au public belge. Là non plus, pas trop de problèmes pour le faire vaciller. En effet, la formation de Justin Young, quelque peu réservée à la sortie de son premier album, a laissé place à un groupe transformé. Nous voilà bluffés par la justesse et l’assurance du chanteur. Ce dernier n’hésite pas à faire le show, tout comme ses acolytes qui ne se cachent plus derrière leur instrument. Résultat : le public, tout comme nous, est conquis et n’hésite pas à reprendre en chœur les titres I Always Knew ou If You Wanna. De quoi convaincre les grands festivals européens de les placer un peu plus haut sur l’affiche pour les prochaines éditions, du moins on l’espère !
Après deux bons groupes anglais, suit un américain : Counting Crows. Malgré l’enthousiasme du chanteur, Werchter doit se contenter d’un set linéaire, manquant de mordant et de saveur. Néanmoins, après ce qui suit, on aurait limite préféré les voir plus longtemps… Et pour cause, The Script, véritables intrus dans cette programmation et responsables de l’omniprésence de groupies de moins de 18 ans, nous réservent une heure de calvaire. En tombant dans le cliché du boys band, les Irlandais n’auront aucun mal à rendre leurs fans hystériques et faire saigner les oreilles des autres.
Après l’effort, le réconfort, la musique est bel et bien de retour sur la plaine du festival avec Kasabian. En temps normal, un tel nom aurait amplement mérité un statut de tête d’affiche, mais quand Muse joue derrière, il faut se contenter de 75 petites minutes. Pas de problème pour le groupe de Leicester, Tom Meighan et sa bande sont survoltés et exploitent à fond le temps qui leur est imparti. Résultat, Werchter peut savourer un peu plus d’une heure de tubes : Bumblebee, Underdog, Club Foot, Fire… On pourrait presque citer tous les titres de la setlist tant ils sont efficaces en live. Cerise sur le gâteau, Sergio Pizzorno, deuxième frontman du groupe est en grande forme. Il n’hésite pas, par conséquent, à le faire savoir et vient se frotter contre la foule très dense de Werchter. Après un Thick As Thieves très touchant, les Anglais s’attaquent à un monument du rock américain en reprenant le célèbre People Are Strange des Doors. Exercice là aussi parfaitement réussi, preuve que rien ne semble impressionner Kasabian. La fin approche et comme le veut la tradition, les disciples officiels d’Oasis nous offrent un bon L.S.F. pour achever cet set survolté. On regrettera le manque d’enthousiasme de quelques fans de Muse, venus exclusivement pour le dernier groupe de la soirée, mais qu’à cela ne tienne, une bonne partie de la foule reprend d’une voix le tube, tels des supporters d’un club de football. Le groupe quitte la scène, à l’exception de Tom, qui ne semble pas tout à fait rassasié. Ce dernier fait chanter une dernière fois le public avec une reprise a capella de She Loves You (dois-je préciser le groupe original ?).
Un tel concert aurait pu convenir en clôture de Rock Werchter, mais pourquoi rentrer chez soi alors que Muse, quasi-unanimement considéré comme l’un des meilleurs groupes sur scène, s’apprête à achever cette belle soirée ? Au bout d’une heure d’attente, la tension est à son paroxysme, les lumières s’éteignent et c’est sous une acclamation explosive qu’apparait le Drill Sergent sur l’écran géant. Muse n’est pas encore sur scène mais le public montre bien qu’il est déjà présent. Et c’est sous une seconde ovation que Dom, Chris et Matt foulent la grande scène, 5 ans après l’avoir quittée. Avec Psycho en guise de coup d’envoi, le trio lance les hostilités de la meilleure des manières. Le premier single de Drones se révèle terriblement efficace en live, et aussi étonnant que cela puisse paraître, Dead Inside prend une dimension plutôt plaisante sur scène. The Handler et Reapers rendent également très bien en concert. Par contre, pas de surprise pour Mercy, qui reste aussi soporifique qu’en studio, mais bon, quelques confettis suffisent à faire le bonheur du public. Mine de rien, le groupe décide ce soir-là de satisfaire les fans de toutes heures : faire danser les amateurs des derniers albums avec par exemple Supermassive Black Hole, faire vaciller les aficionados d’Absolution avec Time Is Running Out, Hysteria ou Apocalypse Please et surtout faire chavirer les nostalgiques de la première époque avec Plug In Baby mais surtout Micro Cuts, Uno et l’incontournable Citizen Erased. C’est Noël avant l’heure et chacun a eu droit à son cadeau. Malgré tout, on regrettera le manque cruel de spontanéité de la part du groupe. Le bon élève a appris sa leçon par coeur, mais s’est simplement contenté de la réciter, sans laisser place à la moindre improvisation. Le résultat est évidemment très bon, mais ce manque de folie vient un peu ternir la note finale. Justement, cette petite dose de folie viendra de… Sergio de Kasabian, qui remonte sur scène pour nous offrir une démonstration de breakdance sur le Munich Jam, avant de se faire évacuer par les vigiles. Nous nous rapprochons tout doucement de la fin du set et après un bon Stockholm Syndrome, Muse quitte la scène. Le public, bien évidemment, en redemande et sera servi. Avec tout d’abord Uprising, repris sans problème par les 80 000 personnes présentes ce soir. Vient ensuite Starlight, le titre traditionnel pour taper en rythme dans les mains. Mais bon, s’il doit rester un morceau pour enflammer Werchter, il s’agit bien de Knights Of Cydonia. Le Bohemian Rhapsody de Muse demeure le tube live de ces dernières années et a toujours son petit effet en 2015. Après 8 dernières minutes de folie et de timides salutations, le trio s’en va pour de bon, laissant de très bons souvenirs dans la tête des festivaliers mais aussi une légère impression d’inachevé. Le feu d’artifice ne changera rien : nous quittons le site du festival un peu sur notre faim.
On a du mal à y croire, mais Rock Werchter 2015 c’est déjà fini. Enfin presque. Pour ceux qui ont encore de l’énergie dans les jambes, direction The Hive pour une dernière soirée entre camarades de camping. Mais qu’on reparte le soir-même ou le lendemain, une chose est sûre, le retour sera difficile tant cette édition nous aura fait vibrer pendant 4 jours. Espérons que Werchter 2016 sera à la hauteur !
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