Why Me? Why Not (Liam Gallagher) cover

Liam Gallagher – Why Me? Why Not

On aurait aimé faire la revue de cet album sans inéluctablement devoir se référer au regretté mastodonte Oasis. Bien que Liam Gallagher nous fasse ici la preuve de pouvoir briller de sa propre lumière avec une suite somme toute honorable accordée à As You Were, nous devons l’admettre, ne pas continuer à parler ici d’un son néo-Oasis, c’est impossible — et tant mieux? Immersion dans le Why Me? Why Not de Liam Gallagher.


Peut être par opposition, par crainte de souffrir de la comparaison d’avec son frère, Liam confirme avec Why Me? Why Not qu’il a définitivement pris la voie des ballades rocks. C’est à dire bien loin de la pop un peu plus déroutante de Noel Gallagher, tant elle frise avec un son pop quasi synthétique emprunté à la disco. Ainsi donc, Liam s’affirme avec des sonorités plus authentiques et rock en surfant sur ce qu’on qualifiera sans difficulté de néo-Oasisme. Un parti pris qui ravira les fans de britpop, mais à quel prix ? Celui d’une prise de risque trop timide à notre goût.

Si on peut lui reprocher d’utiliser les rivalités qu’il entretient avec son frère comme fond de commerce pour sa promo, on ne peut pour autant que saluer une forme d’humilité et une vulnérabilité certaine affichée sans détour dans cet album, qui est éminemment teinté de ses remords, ses regrets et son cri d’amour (de détresse?) pour son passé. Why Me? Why Not ne se résume cependant pas qu’aux glorieuses années Oasis et sa relation qui n’a plus grand chose de fraternel avec Noel. Ce 11-titres est aussi l’occasion de faire part de l’introspection dont a su faire preuve Liam (c’est plutôt neuf chez le Mancunien), mais aussi par exemple de s’adresser à d’autres êtres aimés, comme sa compagne ou Molly, sa fille « retrouvée »…

Ainsi, ce n’est pas dans ce disque que vous trouverez un « son nouveau ». C’est du Liam Gallagher, sans aucun doute. Why Me? Why Not est à recevoir comme une continuité d’As You Were, avec plus d’assurance (et de sagesse?), mais avec des textes plus intimes (il a co-écrit plusieurs titres), et quelques (trop rares?) variations de style. On vous le décrypte track par track.

1- SHOCKWAVE

Liam avait eu la gentillesse (et l’audace qu’on lui connait) de nous prévenir, Shockwave allait marquer les esprits. Le premier single de cet album, sorti en juin, avait frappé fort de son riff rock brut et de ses couplets « jetés » de manière quasi-effrontée. Pas étonnant qu’il ait été choisi à la périlleuse place introductive — un choix finalement plutôt classique, mais avant tout cohérent avec « l’attitude Gallagher ». Résultat? On se laisse volontiers plonger dans un album dont la désinvolture de Shockwave souhaite donner le ton tout entier, comme l’avait fait l’excellent (et meilleur, on doit dire) opener Wall Of Glass, qui occupait la première place d’As You Were

2- ONE OF US 

Le glissement vers One Of Us a beau sembler peut-être un peu hasardeux (on est tentés d’avoir placé ce morceau plutôt comme une coupure, dans la deuxième moitié de l’album), il reste l’un des titres les plus efficaces de l’opus. On en veut pour preuve la sincérité brute très émouvante portée tant par les paroles que par l’arrangement quasi-tragique de la chanson. Il y a du dépit, du remords, de la détresse, de l’amour qui ne demande qu’à être accepté — le tout adressé à Noel (qui d’autre?), de manière très directe comme un ultime SOS lancé par un enfant intimement blessé. Côté prod, on n’a rien à dire, c’est excellent. On apprécie notamment les backing vocals façon gospel dans le dernier quart de la chanson qui mettent encore un peu plus en scène la tragédie du morceau, qu’on ne peut désormais plus séparer mentalement de son clip bouleversant. On a fait le test, et même après la quinzième écoute, on a la gorge toujours autant serrée.

3- ONCE

Notre écoute nous mène au troisième morceau de cet album, qui n’est toujours pas un inédit. Once est l’un des quatre singles lâchés lors de la promotion estivale de Why Me? Why Not. C’est un morceau qu’on connait rapidement par coeur, à la mélodie simple mais qui sait habilement remuer là où ça pique. Ce troisième morceau se place ainsi en digne héritier des tubes post-Oasis. Effectivement : si Liam a déclaré que Once était une de ses meilleures chansons sans qu’on puisse lui donner tord ; c’est parce qu’il ne connaît que trop bien les recettes qui prennent. Il s’agit d’une de ces chansons aux teintes mélancoliques lumineuses que l’on se réjouit de chanter à gorge déployée dans une atmosphère de finale de Coupe du Monde en festival, tout autant que l’on s’imagine la hoqueter à chaudes larmes seul dans sa voiture. Il faut dire que l’arrangement de violons progresse avec justesse en équilibre instable entre spleen et idéal, appuyant avec habileté la palette mélancolique des guitares.
Du côté des paroles, Once rappelle qu’il n’est point besoin de tirades alambiquées pour laisser paraitre les émotions les plus douloureux. La nostalgie s’installe d’elle-même dans des mots pourtant très simples. Ainsi l’évidente poésie de ce texte résonnera chez beaucoup d’entre nous ; il est question des temps où il était plus facile d’être heureux, parce que l’on avait moins d’acquis, parce que l’on avait plus d’espoirs. « I think its true what they say that the dream is borrowed, you give it back tomorrow, minus the sorrow« : right in the feels on vous dit. 

4- NOW THAT I’VE FOUND YOU 

Now That I’ve Found You offre une britpop joyeuse, insouciante, volatile. Dédié à sa fille Molly, le titre raconte la joie sincère procurée par leurs retrouvailles. Et est aussi la ferme invitation à ce que plus jamais leurs destins ne soient étrangers (« Now that I’ve found you, don’t go!« ). En effet, Molly Moorish-Gallagher n’a jamais vraiment eu de relations avec son père avant l’été 2018, date à laquelle Liam et elle se sont réellement accordé une rencontre, en marge d’un de ses concerts. Fruit d’une courte relation du rockeur avec l’actrice et modèle Lisa Moorish (par ailleurs aussi mère du fils de Peter Doherty), Molly a grandi loin de son père. Elle en est désormais très proche, ainsi qu’elle est complice de ses demi-frères. Le texte touche forcément, et la balade parvient instantanément à nous décrocher un grand sourire, tant on est heureux de cette béatitude paternelle justement décrite au travers de la chanson. Si on écoute d’un peu trop près, on croirait presque reconnaitre certaines résolutions d’accord à la Disney. C’est donc qu’il est temps de passer à la suivante.

5- HALO

Comme on le craignait, l’énergie s’éteint un peu au fur et à mesure qu’on avance dans l’album. Les tentatives de réhausser le tempo tombent à l’eau avec ce titre, par ailleurs une chanson d’amour, qui sera vite oublié. Les doubles-croches saccadées au piano façon Rolling Stones ne prennent pas. Si l’idée était de rendre hommage à Let’s Spend The Night Together, force est de constater que seul Bowie en est capable! On n’a pas compris non plus d’où sortait cette flûte prête à craquer (et pas au sens Jethro Tull du terme malheureusement). 

6- WHY ME WHY NOT

Les insattiables de Definitely Maybe en auront pour leur compte avec le titre éponyme, Why Me? Why Not. Très réussi, il est encore calibré pour les fans d’Oasis.  On apprécie l’orchestration qui se construit par couches dans une progression bien maitrisée, avec des percus triomphantes, des contrechants de cuivres et de guitares, et un tapis de cordes qui amènent assez frontalement une atmosphère épique. Le pré-chorus fonctionne très bien pour faire le lit d’un refrain aux sonorités mélancoliques. Cette chanson éponyme résume finalement plutôt bien l’album : une excellente maitrise de la mélodie et son orchestration, un groove conquérant et nostalgisant. Pour autant, comme à l’image de l’album entier, on se trouve dans l’attente d’un décollage… qui ne viendra jamais! Calibrée pour la radio, on aurait ainsi apprécié une version plus longue de quelques minutes, façon Champagne Supernova, avec une réelle rupture de tension — on veut que ça éclate ! On a forcément très envie d’entendre Why Me? Why Not en live, bien qu’on ait un peu de mal à imaginer la fluidité du fausset du refrain sur scène.

7- BE STILL

Be Still est un titre un peu convenu, que d’aucuns qualifieront d’impersonnel, voire de fainéant. Pour autant, il ne fait aucun doute que cette chanson nous surprendra en live, et se hissera en hymne dans les futures setlists de concerts. Là où certains voient de la fainéantise, ce n’est peut être que le signe d’une évidence qui s’impose d’elle-même, sans effort. De notre côté, on a tendance à penser que l’album aurait pu se passer de ce titre trop passe-partout, mais surtout très teenage rock! Une erreur que l’on aurait pardonnée à un Sam Fender ou un Yungblud, mais certainement pas à un Liam Gallagher.

8- ALRIGHT NOW

On a du s’y reprendre à deux fois pour être certains qu’Alright Now n’était pas signée des mains de Damon Albarn et de George Harrisson qui auraient trainé un peu trop longtemps ensemble en haute montagne. Les oreilles attentives remarqueront que la chanson semble encore évoquer l’amertume de Liam envers son aîné. En revanche, elle parait aborder ce sentiment avec plus de sagesse, et sa mélodie semble davantage apaiser qu’attiser la rancoeur. Se démarquant des autres titres par son refrain plutôt enjoué, Alright Now se fraie sans aucun doute une place dans notre top 3 de nos chansons favorites sur lesquelles on n’aurait pas parié tout de suite.

9- MEADOW

Un voile tamisant vient couvrir la voix, alors qu’une progression d’accords au style psychédélique vient apporter une subtilité mélodique jusque là inédite sur l’album. Meadow est flottant, tantôt moelleux, tantôt liquide, quasi-hypnotisant. Si on devait lui trouver un titre alternatif très proche de l’original, ce serait sans aucun doute Mellow, tant elle tend à transporter dans un trip hallucinogène! C’est finalement peut-être là que Liam finit par réussir à nous surprendre : on pourrait aisément la dissimuler dans le Magical Mystery Tour des Beatles ou dans le Dark Side Of The Moon de Pink Floyd. La dernière minute n’est qu’instrumentale, progressant en dissonnances et variations de nuances autour de guitares brumeuses et orgues flottantes, qu’on aimerait pouvoir étirer en longueur. C’est un écart de route qui fait office de très bonne surprise. 


10- THE RIVER

The River ramène l’auditeur au rock’n’roll, version sixties. Les paroles ressemblent à un appel au ralliement ( « so come on, you gonna scream and shout« ) et feront sans aucun doute l’effet escompté sur la foule en concert. On imagine très bien l’efficacité d’un « I’ve been waiting so long for you down by the river » entonné par les jeunes et moins jeunes, d’une seule voix. Un titre qui redonne aussi son heure de gloire à l’instrument fétiche de Liam… le tambourin. 

11- GONE

Façon cerise sur le gâteau, Gone se pare de tonalités western sixties très convaincantes, dans lesquelles on aimerait voir Liam évoluer davantage. Alors oui, c’est vrai, les paroles sont simples — certes. Mais c’est la première fois que Liam s’essaye à un bridge parlé (tremble, Grand Corps Malade!) et c’est très réussi. Il y a quelque chose de puissant dans ce dernier titre, et de profondément heureux. Cette outro nous fairait presque oublier les reproches que l’on pouvait faire au milieu un peu tiède de l’album, tant elle nous incite à relancer le CD au début…!

Pour conclure…

En définitive, Why Me? Why Not est un album qui ne manquera pas de laisser une trace dans la carrière de Liam Gallagher. Pas la plus grosse, certes — il n’est pas aussi percutant que l’a été As You Were en son temps. Pour autant, celui qui a pu souffrir dans les années 1990 et 2000 d’une réputation de « trublion un peu branleur » qui ne brillait qu’à travers le talent d’écriture de son frère, prend ici une belle revanche. « L’armée de songwriters » moquée par Noel est efficace et confirme les qualités que l’on trouvait à As You Were. Les arrangements studios sont superbes, parce qu’ils sont complexes et superposent avec brio les couches d’instruments ; en revanche on a du mal à projeter la complexité de la plupart de ces chansons en live. Si l’ordre des morceaux à la tracklist nous interroge encore, on ne peut en revanche que vous conseiller d’écouter et réécouter cet album (en mode shuffle, donc, ce qui est pourtant une entorse à nos convictions) car il est de ceux qui se bonifient (« like a glass of wine, my friend« ) au fur et à mesure qu’on le réécoute.

Tracklisting : 

01 Shockwave
02 One Of Us
03 Once
04 Now That I’ve Found You
05 Halo
06 Why Me? Why Not
07 Be Still
08 Alright Now
09 Meadow

10 The River
11 Gone

Nos morceaux favoris : Gone, One Of Us, Once, Alright Now

LA NOTE : 7,5 / 10

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