FIFA, Fortnite, GTA : quand les artistes utilisent les jeux vidéos

Difficile de manquer la performance de Travis Scott sur Fortnite, gonflant ses ventes de 80% au cours de la semaine suivant la présentation de son nouveau titre dans le jeu. Mais il est loin d’être le premier à utiliser le dixième art afin de promouvoir sa musique.

Il faut dire que depuis ses premières heures, le monde vidéoludique présente l’intérêt de toucher une population peu intéressée par les programmes proposés par la radio ou ou la télévision, accusés de mal appréhender les modifications vécues par toute une génération – à contrario du net et notamment de youtube. Il n’est donc pas étonnant de croiser, dans les affres des jeux vidéos, diverses opérations de communication, comme America’s Army en 2002, la plus étonnante d’entre elles, développée par l’armée américaine en coopération avec Ubisoft afin d’encourager la jeune génération à rentrer dans les forces armées.

Les marques, entendues au sens large du terme ne sont également pas en reste de ce genre de pratiques : de l’enseigne lumineuse AXE dans Splinter Cell aux affiches « Vote for Obama » discrètement disposées dans les jeux Burnout Paradise et NBA Live 08, ces publicités posent forcément le problème de la considération de l’outil vidéoludique comme d’un moyen de communication (Lehu & Bressoud, 2008)

La création musicale au service de la communication

Nous le verrons, le monde musical, souhaitant toujours plus s’insérer dans les nouvelles tendances, et notamment dans l’imaginaire collectif des foyers et des jeunes générations, n’est pas en reste de cette transformation de la communication. En 2005, déjà, c’est Lily Allen qui refusait de se produire en concert sur le jeu vidéo Second Life contre « quelques milliers de bitcoins« , une devise alors inconnue mais qui aurait pu faire d’elle l’une des artistes les plus riches du monde. En 2006, c’est Phil Collins qui défrayait la chronique en étant le protagoniste de la mission Kill Phil dans le jeu GTA : Vice City Stories, dont le but était de déjouer les tentatives d’assassinats organisées à l’encontre du chanteur, au cours de son concert dans la ville fictive de Vice City. Si il fallait débourser 6’000$ afin d’assister à l’événement, marquant la fin scénarisée du jeu, Phil Collins aurait indiqué être honoré de voir son nom accolé à une licence pour « adultes », tranchant avec sa réputation de chanteur Disney.

Toujours au Royaume-Uni, nombreux sont les artistes à composer des musiques spécialement pour la bande sonore de jeux vidéos : Paul McCartney pour le jeu Destiny, Florence and the Machine pour Final Fantasy XV et CHVRCHES pour le jeu Death Stranding d’Hideo Kojima. Ils rejoignent ainsi Imagine Dragons (League of Legends), Eminem (Call of Duty: Black Ops) ou encore Leona Lewis (Final Fantasy XIII).

Plus récemment c’est Snoop Dogg, qui après avoir réalisé une opération commerciale pour le jeu de survie S.O.S., a lancé la ligue d’eSport Gangsta Gaming League. Snoop Dogg oblige, la consommation de cannabis serait, selon des documents internes, vivement conseillée.

« Bigger than MTV »

En 2015, une étude publiée dans le très réputé Journal of Psychology & Psychotherapy s’intéressait à l’utilisation de la musique dans les jeux vidéos afin de renforcer l’immersion, créant de facto une distorsion de la perception du temps (Zhang & Fu, 2015). Et forcément, associer un titre que l’on souhaite promouvoir à un jeu que l’on apprécie une musique, permet de créer un sentiment positif à l’égard de la musique, tout en permettant de l’ancrer dans l’imaginaire par le biais de représentations, qu’elles soient axées sur le sport, la vitesse, le dépassement de soi ou encore des thématiques guerrières.

Beaucoup comptent sur l’industrie du jeu vidéo pour se frayer un chemin dans l’univers plus qu’encombré du monde musical. A l’instar du groupe Aerosmith, qui a engrangé plus d’argent avec le jeu Guitar Hero: Aerosmith qu’en vendant plus de 150 millions d’albums, nombreux sont les groupes à espérer figurer dans la bande originale d’un jeu vidéo.

EA Games, notamment par sa filiale EA Sports, a été l’un des pionniers en la matière au travers de jeux comme FIFA, Need For Speed ou encore Madden NFL. Si la bande sonore représente 1% du budget de la production d’un jeu vidéo, compris généralement entre 75M$ et 200M$ pour les plus gros, celle-ci représente une aubaine pour les studios, qui y voient un moyen de se poser comme créateurs de nouvelles modes et découvreurs de talents, ainsi que pour les artistes qui bénéficient d’une exposition soudaine.

Steve Schnur, ancien de MTV et directeur musical iconique du studio Electronic Arts indique à titre d’exemple que les chansons qui composent la bande sonore de FIFA 17 « sont écoutées et identifiées plus d’un milliard de fois » faisant de ce média un moyen inédit de faire découvrir des artistes à une large audience pendant qu’ils jouent à leurs jeux favoris. A tel point que les artistes, comme Radiohead dans FIFA 2004, sont prêts à renoncer à leurs royalties pour apparaître sur ces précieuses bandes sonores. Un seul mot d’ordre, ironise Steve Schnur : « interdire aux équipes qui travaillent sur l’identité sonore d’un jeu d’écouter la radio, afin qu’ils ne soient pas influencés« .

Et les fans dans tout ça ?

Comme souvent lorsque l’on parle d’art, les fans ne sont pas en reste, rivalisants d’imagination afin de proposer un contenu toujours plus interactif afin de mettre en avant les artistes ou les causes qu’ils défendent. En 2008, des fans de U2 reproduisaient sur le jeu Second Life un concert du groupe, en prenant soin de modéliser les artistes.

Le 16 mai dernier, alors que les mesures drastiques de limitation des rassemblements sont toujours en vigueur, avait lieu le festival Block By Block West, organisé sur Minecraft. Reproduisant face à un public virtuel des performances de Massive Attack, d’Idles ou encore des Pussy Riots, le concert a rassemblé 134’000 personnes sur le stream twitch ainsi que plus de 5’000 sur les serveurs du jeu, collectant 7’000$ pour le Fond d’Intervention pour les Urgences du CDC.

Et après ?

En 2020, alors que le monde vidéoludique vit lui aussi une transformation massive, préférant produire des jeux disponibles gratuitement mais capables d’engranger des bénéfices conséquents par un modèle économique basé sur les partenariats, créer des opérations commerciales qui mettent avant les stars du monde de la musique semble être une considération plus qu’actuelle. De nouveaux acteurs, comme TikTok, semblent cependant gagner peu à peu du terrain, permettants de faire découvrir rapidement et par le biais de challenges de nouveaux artistes à une large audience.

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