Sampha – Process

Le moins que l’on puisse dire c’est que Sampha a su se faire attendre, mais peut-on vraiment lui en vouloir ? Avec Process, il nous ouvre les portes de son univers et le résultat est exquis…

Si son nom n’est pas encore sur toutes les lèvres, c’est parce que Sampha Sisay a longtemps préféré rester dans l’ombre plutôt que de s’exposer au feu des projecteurs. Compositeur et producteur londonien aux multiples talents, il a collaboré avec les plus grands noms de la scène musicale anglaise et internationale pendant presque sept ans. Parmi eux : FKA Twigs, SBTRKT, Drake, Kanye West et plus récemment Frank Ocean sur son album visuel ‘Endless’ainsi que Solange Knowles et son excellent  A Seat at the Tableoù il apparaît sur le morceau déjà iconique Don’t Touch My Hair… Autant dire que cela ne lui laissait pas beaucoup de temps pour offrir une digne suite à son EP Dual sortit en 2013.  Finalement, c’est près de quatre ans plus tard qu’il nous livre son premier album Process : un petit joyau de dix pistes façonné avec le plus grand soin et rayonnant de maîtrise.

Annoncé comme un album cathartique, un véritable moyen de canaliser – ou de se laisser aller à – ses émotions les plus intenses et douloureuses, Process s’ouvre sur Plastic 100°C et un snippet de Neil Amstrong “I’ll work my way near to the sunlight here without looking directly into the sun. Déjà dévoilée en version acoustique au début de l’année dernière, la chanson studio se révèle magistrale. La guitare se fait délicate et aérienne tandis que les synthés et les drums, profonds, contrebalancent et instaurent une tension faisant échos aux paroles de la chanson : “It’s so hot I’ve been melting out here / I’m made out of plastic out here”. Une entrée en matière qui donne le ton pour la suite de l’album : une réflexion sur les fragilités de l’amour et de l’être, un équilibre entre toutes les influences soul, trip-hop, électro et RnB de Sampha.

On poursuit sur l’un des singles de l’album, Blood On Me, plus upbeat, où les percussions prennent le dessus. La voix de Sampha est essoufflée, comme dans l’urgence d’échapper à ses démons. Ça percute, c’est fort, on se laisse entrainer malgré l’angoisse latente qui se dégage du morceau, inspiré d’un rêve – où plutôt d’un cauchemar.

La perte de sa mère, décédée d’un cancer, est sans nul doute l’une des plus grandes inspirations de l’album. Dans Kora Sings, Sampha exprime sur un rythme saccadé son regret de ne pas avoir été assez présent à ses côtés de son vivant It’s just me, myself, and my gun / Remembering the times”. Le thème se poursuit avec le brillantissime (No One Knows Me) Like The Piano, probablement le morceau le plus honnête et touchant de l’effort. C’est un peu comme le calme après la tempête, juste l’homme et son piano; comme un retour à ses racines, nécessaire dans le processus de son deuil.

Arrivé à la moitié de l’album, Take Me Inside marque un virage entre l’acoustique et les sonorités plus expérimentales. La pression monte et n’est relâchée qu’à la dernière seconde. Cette track fait office de véritable passerelle entre (No One Knows Me) Like The Piano et Reverse Faults. Cette dernière peut surprendre dès les premières notes de par ses synths aux résonnances inhabituelles qui installent un climat anxiogène.

Sampha ne nous laisse aucune seconde de répit, les beats lancinants de Under font mouche tandis que Timmy’s Prayer se fait délicieusement groovy. Sa voix est au centre de chacune des compositions, devenant un instrument à part entière. Process est un album extrêmement riche, mêlant acoustiques à des sons électroniques plus déroutants et Incomplete Kisses ne fait pas exception.

Déjà, on arrive à la fin et c’est What Shouldn’t I Be ? qui clôture l’opus tout en finesse et en subtilité. Le morceau est une réflexion très intime sur sa carrière qui l’a tenu éloigné de sa famille… des regrets ? Peut-être, mais Sampha est honnête, avec nous et avec lui-même “Mother always knows / I needed to grow”. C’est cette même sincérité qui nous tient en haleine et qui parvient à nous toucher tout au long de l’album.

Avec Process, Sampha frappe un grand coup. Il en avait sur le cœur et est arrivé à jouer avec les nôtres. Difficile de rester insensible face à cet album, il est de ceux qui nous prend aux trippes et qui reste en mémoire. Sampha démontre encore une fois l’étendu de ses talents de producteur, de musicien, mais aussi de parolier. Il signe là un premier grand LP de ce qui sera, on lui souhaite, une longue et brillante carrière solo.

Tracklisting

Plastic 100°C

Blood On Me

Kora Sings

(No One Knows Me) Like The Piano

Take Me Inside

Reverse Faults

Under

Timmy’s Prayer

Incomplete Kisses

What Shouldn’t I Be?

Nos morceaux favoris: Plastic 100°C, (No One Knows Me) Like The Piano, Blood On Me, What Shouldn’t I Be? 

La Note : 9,5/10

No Comments

Post A Comment